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des formes architecturales n’ont pas abordé ce point de vue, qui n’est pourtant pas indifférent dans une histoire raisonnée de l’architecture. La plupart n’ont vu dans les monumens des divers peuples que les modifications successives d’un plan primitivement grossier ; ils paraissaient croire que le sentiment de la beauté architecturale, les instincts même d’harmonie, de proportion, d’ornementation, ne se sont éveillés que très tard chez les constructeurs. Il est inutile de discuter ici cette théorie et d’en relever les contradictions. M. Quatremère par exemple divise les peuples en trois catégories : chasseurs, pasteurs, agriculteurs ; de là trois types de constructions primordiales et trois variétés de style architectural. Il ajoute que la cabane carrée en bois, qui est regardée comme le principe universel de l’architecture, « ne saurait avoir donné naissance aux architectures indienne et égyptienne, mais fut indubitablement le type de celle des Grecs. » On sait aujourd’hui que les Grecs ont puisé chez les Égyptiens et chez les peuples de l’Asie, depuis longtemps passés maîtres dans l’art de bâtir, tous les modèles, tous les principes, toutes les idées de leurs édifices. Qu’ils aient modifié, perfectionné cette architecture qu’ils empruntaient à des peuples plus avancés, qu’après l’avoir naturalisée sous leur ciel ils lui aient imprimé le sceau particulier du génie hellénique, cela est incontestable ; il n’en est pas moins vrai qu’ils ne l’ont pas inventée, qu’ils n’ont pas eu d’architecture à eux, primitive, originale. Que devient alors l’explication ingénieuse de la cabane carrée en bois avec comble triangulaire ?

C’est donc dans l’instinct seul de la construction, instinct donné à l’homme aussi bien qu’aux animaux, qu’il faut chercher l’origine de l’architecture, qui devient de plus en plus raisonnée à mesure que se forment les agglomérations d’individus, la combinaison des forces et l’échange des idées. Il n’y a pas d’art architectural avant qu’il n’y ait des peuples sédentaires ; la stabilité est l’origine de toute société. La plupart des archéologues, nous devrions dire tous, ont oublié dans leurs recherches scientifiques sur l’origine des architectures diverses cette faculté innée dans le cerveau de l’homme, ce penchant à construire pour abriter lui, sa famille et son bien, penchant commun à toutes les espèces, mais plus puissant chez les unes que chez les autres. Il est presque inutile de dire que chez l’homme cette faculté a non-seulement une extension plus grande que chez les animaux, comme toutes ses facultés en général, mais encore qu’elle est plus ou moins développée suivant les peuples et suivant les individus. À cette faculté de construction, d’autres viennent en aide qui en sont les auxiliaires, les régulateurs et les modérateurs. Ainsi l’homme en construisant n’est pas seulement guidé