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commerce aux exactions des musulmans et au monopole de Venise, les Colomb et les Vasco de Gama cherchent à travers l’Océan une route nouvelle plus directe que celle des caravanes et surtout moins sujette aux exigences de tant d’intermédiaires. L’Espagne, la Hollande, la France et l’Angleterre se disputent alors la précieuse toison. La persévérance britannique l’obtient enfin pour elle seule ; mais, toujours convoité, cet empire est encore aujourd’hui la pomme de discorde. Napoléon, comme Sésostris, tournait les yeux vers ces contrées qui recèlent la question vitale de la politique des peuples civilisés quand il entreprit la guerre d’Égypte. La Russie de son côté lutte depuis Pierre le Grand pour s’en assurer l’accès. De nos jours, le canal de Suez vient rouvrir les vieilles routes longtemps délaissées de cet indispensable commerce avec les grandes Indes.

Il faut donc se pénétrer de cette idée, que Byzance n’a été que le grand entrepôt, le foyer puissant où apparut aux yeux de l’Occident cet art que la Perse, trop éloignée, trop séparée de l’Europe par ses montagnes, ne pouvait montrer aux yeux de tous. En venant s’établir en Asie, les Romains y trouvèrent, on ne saurait le contester sérieusement, une civilisation brillante, des arts préexistans, une architecture depuis longtemps formée, où l’or, la mosaïque, la faïence, l’ivoire et les pierres précieuses ajoutaient à la beauté des formes l’éclat des couleurs. Tout était en harmonie, les riches tentures, les vêtemens brodés, les bijoux, les meubles ; ce luxe inséparable de l’amour du beau a toujours existé dans les pays de la lumière. Au moment où l’empereur Constantin, l’an 395 de notre ère, transporta la vieille Rome dans la jeune Byzance, l’ancienne dépouille romaine fut rejetée, et l’empire en revêtit une nouvelle tout imprégnée de l’Orient. L’art byzantin avait atteint son apogée en Asie dès le Ve siècle et se maintint florissant jusqu’au VIIIe. Quels qu’aient été à Constantinople l’élan, la vigueur des pousses de ce style nouveau, il avait emprunté ailleurs le caractère simple et grandiose, la science profonde d’exécution qui le distinguent entre tous.

Ainsi que nous venons de le démontrer, on ne saurait y voir aucune réminiscence de l’art gréco-romain. Dans ce dernier, les lignes sont droites, monotones et rampent lourdement sur terre : c’est, en un mot, l’architecture horizontale, l’architecture en longueur ; dans l’autre au contraire, les lignes affectent toutes les courbures, tous les mouvemens, et s’élancent vers le ciel comme affranchies d’entraves : c’est l’architecture perpendiculaire, l’architecture en hauteur. Aucune expression ne saurait mieux indiquer la différence entre la pensée nouvelle et la pensée antique. Déjà l’art perse, cherchant par des rampes et des escaliers à gagner les cimes, formant à