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serait ce qu’on appelle une forme du crédit ; ils demandent que, quand le capital disponible manque, quand les ressources se trouvent immobilisées, quand d’immenses entreprises et des prêts considérables l’ont absorbé, on crée un supplément de capital fictif pour enfler le prix des marchandises et pour déprimer encore la valeur de la monnaie véritable. Ce serait tout simplement ouvrir à deux battans la porte à la banqueroute. — On a beaucoup attaqué le mécanisme self-acting du département de l’émission à la Banque d’Angleterre, le taxant d’obstacle mis à l’expansion naturelle de la circulation fiduciaire ; le procédé qu’on recommande quand on prétend combattre au moyen du papier les embarras financiers qui résultent d’une absence momentanée de l’or en quantité suffisante brise la puissante machine que la force des choses fait sans cesse agir spontanément pour ramener l’équilibre entre les transactions et les instrumens de la circulation. Si ceux-ci viennent à manquer, l’or, sollicité par le bénéfice du change, arrive ; l’abaissement de la valeur des marchandises en accroît l’exportation, et le cours naturel des choses alimente le marché des outils indispensables de la circulation. Pour cela, au lieu de bâtir des systèmes fragiles et périlleux, au lieu de rêver une production factice d’un capital chimérique, il faut simplement se régler sur les circonstances, plus fortes en dernier ressort que la volonté capricieuse de l’homme. Il faut, au moyen d’un intérêt élevé, attirer le capital ou du moins, quand il se refuse à venir, empêcher qu’il ne parte, obtenir un attermoiement pour les paiemens dus, retarder le moment où l’on voudra échanger des titres à échéance contre du comptant. Il est vrai que cela se fait sans fracas et sans grand coup de théâtre, il est vrai qu’on se dispense de paroles retentissantes et qu’on renonce à la gloire de construire tout d’une pièce une merveilleuse organisation du crédit ; le crédit, comme le travail, s’organise tout seul sous l’empire de lois équitables, d’une sécurité complète, d’un labeur intelligent, d’un commerce libre, d’une monnaie stable et fidèle. Le crédit n’est pas autre chose qu’un engagement qui doit être réalisé dans l’avenir contre un produit livré ou un service rendu actuellement ; il ne multiplie point le capital, il le déplace et le fait arriver à ceux qui savent l’employer utilement ; il fortifie la garantie, il ne crée pas l’instrument. Or le plus essentiel est de savoir exactement ce qu’on stipule, et comme tout se traduit en monnaie, le plus essentiel est de posséder une monnaie que le cours naturel des choses détermine, qui ne risque point de varier d’une manière sensible dans les courtes périodes qu’embrassent d’ordinaire les transactions humaines, et surtout qui demeure indépendante d’un calcul arbitraire en se trouvant à l’abri de violens soubresauts. C’est pour cela que la monnaie doit posséder une valeur par elle-même,