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qu’elle est en or, qu’elle demande un sacrifice et l’abandon d’un fruit du travail, au lieu de n’émaner que d’un procédé artificiel. Quand on a compendieusement établi quelles sont les conditions indispensables de la monnaie et les motifs supérieurs qui en déterminent la construction solide, n’est-ce point commettre la plus étrange contradiction que de susciter une monnaie élastique au moyen de l’émission libre des billets de banque ? Il est vrai qu’on s’épuise en subtilités pour tracer une différence absolue entre ce qui est le numéraire métallique et ce qui se substitue au numéraire dans toutes les fonctions auxquelles celui-ci est appelé. Le billet vaut de l’or, ou il ne vaut rien ; il remplit l’office de l’or, ou il est inutile et s’éteint. Il est un outil d’échange, rien de plus, rien de moins ; on ne l’accepterait point, si l’on se défiait de la puissance de tout acquérir qu’il communique au détenteur aussi bien que les espèces sonnantes. Quiconque, au lieu de se complaire dans des distinctions théoriques, touche du doigt la réalité des choses et se détermine d’après la pratique universelle pour juger d’une question pratique, ne saurait hésiter : le billet de banque ne rapporte rien, il est toujours échangeable contre le métal précieux, il s’applique à en être le reflet fidèle et exact, il exerce la même influence sur le marché ; il ne saurait donc échapper aux conditions essentielles de la monnaie. Le fabriquer, ce n’est point se livrer à une industrie qui, comme les autres, doit être livrée à la concurrence. Il faut que la monnaie soit une, chaque pièce doit être identique ; il ne s’agit point de l’obtenir à meilleur marché, il s’agit de lui conserver une composition exactement invariable, une sécurité entière. Les mêmes conditions s’appliquent au billet, ombre fidèle du numéraire. « En matière de papier de circulation, ce qu’il me faut, disait sir Robert Peel, ce n’est pas une quantité considérable au plus bas prix possible, c’est une certaine quantité de ce papier dont la valeur soit exactement celle de l’or ; ce qu’il me faut, c’est qu’il soit émis par un établissement dans l’intégrité, l’honneur et la solvabilité duquel j’aie la plus entière confiance. Je n’ai pas besoin du meilleur marché, j’ai besoin de la meilleure qualité possible ; or le principe qui détermine la qualité particulière de cette nature particulière d’article commercial est tout autre que celui de la libre concurrence, parce que cette qualité est fixe, définie, invariable. » L’illustre homme d’état ajoutait : « Le pays ne s’aperçoit pas immédiatement de la dépréciation du billet, il ne s’en aperçoit qu’au moment où l’or, ce moniteur silencieux, l’en avertit. En négligeant les premiers indices de dépréciation qu’il donne, les banques se placent dans la nécessité de restreindre tardivement et subitement leur circulation, au grand préjudice du commerce. »

Les partisans du banking-principle ont vainement essayé de