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combattre cet argument ; le billet ne saurait se déprécier, disent-ils, tant qu’il continue de s’échanger contre de l’or. Sans doute il vaudra l’or qu’il peut immédiatement procurer, mais c’est l’ensemble de la circulation, or et billets, qui se déprécie simultanément. Le cours du change décline, l’or, ce moniteur silencieux, s’en va, et malheur au pays qui néglige cet avertissement ! L’or reflue alors de plus en plus au dehors, il va chercher un marché plus favorable ; on émet plus de billets, ceux-ci retournent plus nombreux à la banque pour obtenir de l’or, qui devient plus rare, et ce jeu de navette continue jusqu’au moment où les réserves épuisées ne permettent plus de faire face à l’obligation du remboursement. Alors arrive le cours forcé avec le sinistre cortège de variations anormales dans les prix et de déceptions de toute nature. Telle est la double extrémité que l’act de 1841 a voulu prévenir à tout jamais, et il l’a fait avec un éclatant succès. Grâce à lui, l’Angleterre a triomphé de la dernière crise, plus violente, plus terrible que les crises antérieures ; les suites du noir vendredi vont bientôt s’effacer. En maintenant la fixité de l’étalon métallique, l’act de 1844 a été le véritable palladium de la richesse du royaume-uni et de la fidélité des transactions. Déjà l’escompte a été réduit à 8 pour 100 le 16 août dernier et à 7 pour 100 le 23 août suivant[1]. A moins de quelque événement imprévu, le marché anglais sera bientôt revenu à une situation normale. — On ne manquera point de prétendre que c’est après avoir fait subir au pays de cruelles souffrances et fait supporter de lourdes pertes au commerce. Il ne faut rien exagérer dans aucun sens ; l’escompte à 10 pour 100 a été un mal, mais nous savons quelle en a été la cause première : la formation de compagnies innombrables et la témérité dont elles ont fait preuve, des spéculations financières marquées au coin de l’impéritie ou d’une aveugle audace, l’épuisement momentané des ressources accumulées par le travail et par l’épargne. Le pays a dû porter la peine de ces fautes et de ces folies, elle a été plus rude encore pour son amour-propre que pour ses intérêts. L’industrie régulière a marché d’un pas ferme, les exportations se sont accrues[2], elles ont hâté par le mécanisme naturel de l’échange la

  1. Ces réductions ont été motivées par une amélioration réelle et persistante ; la réserve commerciale s’était accrue de plus d’un million au 16 août ; elle touche presqu’au chiffre qu’elle avait conservé peu de temps avant la crise, quand l’escompte était à 6 pour 100, et la somme des métaux possédés par la Banque s’élevait déjà à 650,000 livres de plus. Au 23 août, une nouvelle augmentation de 897,000 livres sur la réserve commerciale et de 621,000 livres sur l’encaisse annonce le retour de temps meilleurs. On commence même à craindre une trop rapide réaction sur le taux de. l’escompte.
  2. Le chiffre des exportations était en 1844 de 59 millions de livres sterling, en 1854 de 110 millions, et en 1865 de 219 millions. Le premier semestre de cette année a présenté une augmentation notable sur celui de l’année dernière. Quant aux importations, elles ne s’élevaient pas à 80 millions en 1844, et ont été portées à 152 millions en 1854, à 271 millions en 1865. Le chiffre total du commerce extérieur, qui restait au-dessous de 140 millions en 1844, dépassera de beaucoup cette année un demi-milliard de livres, 12 milliards 1/2 de francs !