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précisément parce qu’en temps ordinaire les émissions de la Banque d’Angleterre sont contenues par la loi que les billets jouissent d’une si grande faveur quand tout autre papier est déprécié ; il suffit alors d’ouvrir le canal à ce réservoir de crédit amassé par une sage prudence. Si la mémoire de sir Robert Peel avait besoin d’une consécration nouvelle, elle l’aurait reçue des expériences de 1847 et de 1857. » On ne saurait mieux dire, et M. de Lavergne n’a pas encore dit assez ; il aurait pu montrer comment la confiance acquise au grand établissement autour duquel pivote le. crédit de l’Angleterre a suffi pour conjurer l’orage, sans émission irrégulière de billets ; s’il avait pu apprécier, lorsqu’il a prononcé ces paroles, la grande expérience de 1866, il aurait reconnu que jamais la Banque n’avait prêté au commerce une assistance plus large, plus rapide, ni plus efficace, sans user du droit qui lui était conféré de sortir des limites légales de l’émission. Aussi le gouvernement n’a-t-il pas eu besoin de demander de bill d’indemnité au parlement ; de fait, l’act de 1844 n’a pas été violé. L’Angleterre est déjà rentrée, sous ce rapport, dans la situation normale ; la diminution récente de l’escompte jusqu’à 8 et à 7 pour 100, a réduit à néant la faculté nominalement ouverte par la lettre ministérielle. Il en a été exactement de même en 1847 ; la Banque n’avait point fait d’émission supplémentaire quand l’escompte a été réduit à 7 pour 100 le 23 novembre, après une suspension déclarée le 23 octobre, sous la condition que le taux ne descendrait pas au-dessous de 8 pour 100. — En 1857, le gouvernement prit une mesure analogue : le 12 décembre, l’act de 1844 était suspendu, une émission de nouveaux billets autorisée et le minimum de l’escompte fixé à 10 pour 100. La Banque ayant fait usage de la faculté ainsi ouverte jusqu’à concurrence de 928,000 livres (23 millions de fr.) employés en billets émis sur un supplément de garantie en fonds publics, le parlement consulté étendit jusqu’au 1er février 1858 la durée de la permission exceptionnelle. Dès le 24 décembre 1857, l’escompte était ramené à 8 pour 100, par conséquent l’effet de la suspension avait été effacé. Nous venons de rappeler qu’en 1866 la Banque n’a fait aucun usage d’une faculté analogue. Elle avait déjà traversé en 1864 une crise formidable sans que l’intervention du gouvernement eût été nécessaire. La solidité inébranlable du principe de sir Robert Peel se trouve consacrée par ces expériences décisives.

Cependant, nous l’avouerons, nous regrettons qu’à défaut d’une latitude comme celle dont la Banque de France n’abuse nullement, l’idée primitive de sir Robert Peel n’ait point été maintenue dans le texte légal. Si la suspension temporaire avait été inscrite à l’avance dans une clause spéciale, sous des conditions définies et