Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 65.djvu/21

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

grands effets d’ombre et de lumière en mettant un rapport plein de justesse et d’harmonie entre la surface des pleins et celle des vides. L’arc plein cintre devient à la grande époque byzantine de plus en plus élancé ; il se rehausse de la longueur du quart du diamètre, souvent même il l’outre-passe et parfois se termine en pointe au sommet. C’est surtout sous le règne de l’empereur Basile que ce caractère est plus marqué. On ne voit plus alors dans la ville moderne que des arcs sur des arcs, des coupoles sur des coupoles, dont l’ensemble et l’aspect ont peu de rapport avec les monumens antiques. Au lieu de ces lourdes colonnes à un seul étage, ce ne sont que colonnes superposées, que formes curvilignes ; au lieu du toit triangulaire, c’est le dôme, la gloire et l’orgueil du style nouveau. À cette époque commencent des projections architecturales inconnues jusqu’alors, on voit apparaître toutes les hardiesses de la statique, une profonde science géométrique et algébrique des courbes des voûtes et des arcs, des équilibres surprenans, des spirales où les mathématiques épuisent leurs formules. L’architecture grecque avec les toits bas qui la caractérisent, avec les frontons où la beauté des sculptures déguise à peine la sécheresse de la forme, ne pouvait résoudre ces problèmes d’élancemens qu’elle n’entrevoyait même pas. De la nécessité d’avoir des colonnes assez fortes et assez rapprochées pour soutenir les grandes masses de pierres de l’attique et des couronnemens résultait nécessairement un manque d’élévation et par suite d’élégance, une multiplicité d’angles et de supports, une absence de proportion entre les hauteurs et les largeurs.

La nouvelle architecture arriva bientôt en Italie sur les rives de l’Adriatique. En 440, cent douze ans après l’établissement de l’empire de Byzance, cent ans après la construction de Sainte-Sophie par Constance, fils de Constantin, on élève à Ravenne une église de ce style, puis Saint-Cyriaque d’Ancône, dont l’ornementation est caractéristique, Saint-Zénon de Vérone avec ses chapiteaux persépolitains, enfin Saint-Marc de Venise. La mode s’en répandit alors dans tout l’Occident. Ce ne fut pas seulement dans la forme générale des églises que se produisit le changement, ce fut aussi dans les moindres détails. Aux feuilles d’acanthe et aux volutes des chapiteaux grecs succèdent, dans l’art roman d’abord, qui n’est qu’un byzantin grossier, et dans le gothique ensuite, des fleurs, des fruits, des animaux de toute espèce, des lignes combinées selon la manière des Assyriens et des Perses. La forme du chapiteau même se modifie, de cylindrique il devient cubique. Le fût de la colonne s’étire et s’amincit ; au lieu d’être uni ou cannelé, il se couvre de réseaux, de méandres, de torsades, de losanges entrelacés. L’arc est