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céleste. Ils ont bien senti que c’était le moment où l’ère nouvelle avait trouvé le langage architectural qui lui convenait, et qui, depuis cette époque, n’a jamais varié pour les chrétiens grecs. Les Latins, moins constans, hésitent bientôt, tantôt adoptant ce style ogival, tantôt revenant à l’art païen, pour retomber ensuite dans un désordre d’idées dont aujourd’hui ils ne savent plus sortir.

En Europe, le style byzantin est lourdement imité et mêlé avec le style roman, ou, pour mieux dire, le roman n’est que du byzantin grossier. Ce mélange, modifié par les croisades et par la science maçonnique rapportée d’Orient, devient l’art ogival, et prend un caractère nouveau de grandeur et d’élégance. Le matérialisme de l’art grec était ainsi dépassé, sinon par la pureté de la forme, au moins par l’expression. Cette époque byzantine ou du moyen âge en Orient est donc à nos yeux l’époque de la véritable renaissance, l’époque du renouvellement de l’art ancien par un art nouveau. Ce mot de renaissance, nous ne saurions le prendre dans le sens qu’on lui donne d’ordinaire quand on l’applique à une imitation bornée et inintelligente de l’art grec au XVe siècle. C’est par conséquent une erreur de croire que l’empire byzantin dut en fait d’art son caractère aux descendans des Phidias et des Périclès, conservateurs des traditions du beau temps de la Grèce, et qu’à l’époque du partage de l’empire byzantin par les Vénitiens et les Français commença pour les Occidentaux la connaissance de l’art grec. Au moment de ce partage, le bas-empire ne se préoccupait guère d’une civilisation morte qui ne parlait plus, qui ne pouvait se faire comprendre et frappa si peu les barbares d’Occident, Vénitiens ou Français, qu’ils jetèrent dans le Bosphore les statues enlevées aux temples de Corinthe ou d’Athènes, et qui ornaient les places et les palais de Byzance. Ce qui charmait tous les regards, c’était l’idée nouvelle en philosophie, dans les sciences et dans les arts ; c’était la civilisation orientale dans toute sa splendeur. Revenir à l’étude de l’antiquité païenne au moment où le style du moyen âge touchait à la perfection, c’était perdre le résultat de quinze siècles, c’était arracher des cœurs cette foi profonde qui faisait marcher en si parfait accord la forme et l’idée. En reprenant le style d’une époque perfectionnée, on crut gagner en pureté et en élégance ; mais c’était abandonner cette route féconde, infinie, où l’imagination pouvait travailler à l’aise et toujours à nouveau ; c’était abdiquer toute originalité et séparer la pensée de l’expression, car le style redevint païen, tandis que la pensée restait chrétienne ; ce fut et c’est encore produire l’amalgame le plus bizarre et le plus incohérent. La statue de la Vierge est faite à l’imitation de celle de Vénus, et les scènes de l’histoire sainte ont pour type les bas-reliefs du