Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 65.djvu/444

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’expression des inclinations, des coutumes mêmes de l’art national et la part qu’il convient de faire aux exigences de l’esprit nouveau. Vers la même époque à peu près, un artiste étranger à l’école de Sienne, Pietro Cavallini, exécute à Rome, probablement sous les regards de Giotto, cette belle mosaïque de Santa-Maria-in-Trastevere que nous indiquions tout à l’heure comme le dernier spécimen considérable du genre, et en même temps comme le premier terme de la renaissance de l’art romain.

Les peintres dont nous venons de rappeler les noms ne survécurent que fort peu d’années à Giotto. A l’exception de Cavallini, mort en 1364, aucun d’eux ne dépassa la première moitié du XIVe siècle : leurs travaux, strictement contemporains des ouvrages qu’a laissés le maître florentin, appartiennent donc comme ceux-ci à la période d’initiation proprement dite. Sans doute bien d’autres noms mériteraient d’être cités, si l’on se proposait de rechercher jusque dans les témoignages secondaires les origines de la peinture moderne en Italie. On pourrait, ailleurs qu’en Toscane ou à Rome, constater une certaine activité de l’art, même avant le moment où l’école de Giotto se constitue, avant le temps à plus forte raison où l’auteur anonyme des admirables fresques de l’Incoronata à Naples, et Antonio Veneziano, le peintre de la Vie de saint Ranier au Campo-Santo de Pise, viennent grossir le nombre des imitateurs du maître et ajouter au succès d’une doctrine que les peintres de l’oratoire de San-Giorgio, Altichieri et Jacopo Avanzi, propagent de leur côté à Padoue ; mais l’examen de ces questions de détail, aussi opportun que complet dans l’ouvrage de MM. Crowe et Cavalcaselle, ne saurait trouver ici sa place : il est donc au moins prudent de nous arrêter et de résumer en quelques mots la pensée de cette étude.

Les commencemens de la peinture en Italie ou, pour parler plus exactement, les premiers travaux qui en marquent la renaissance ont un caractère de certitude et de grandeur digne des éclatans succès qui vont suivre, bien digne aussi d’être considéré en lui-même, à titre d’exemple et de résultat une fois obtenu. Si, par impossible, la vie de l’école italienne ne se fût pas prolongée au-delà de l’époque de Giotto, si la seconde moitié du XIVe siècle eût été, à Florence et à Sienne, le terme de tous les progrès, si enfin, pour remonter aux premières promesses de l’art chrétien, Rome n’avait à nous offrir aujourd’hui que les fresques de ses catacombes et quelques-unes de ses mosaïques, de tels souvenirs et de tels monumens suffiraient encore pour illustrer les âges qui nous les ont légués. Certes on sait de reste de quels glorieux chefs-d’œuvre cette interruption de l’histoire pittoresque aurait privé le monde,