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tant que la face du pays ne sera pas renouvelée, surtout tant que le Mexicain, dégoûté du travail par les maisons de jeu, ne fabriquera rien lui-même et empruntera tous ses objets de consommation à l’étranger. Presque toutes les maisons de commerce qui approvisionnent le pays sont en effet étrangères, surtout allemandes et anglaises ; c’est dire qu’elles retirent de la circulation des milliers de piastres pour les expédier en Europe. A coup sûr, si la confiance renaissait, elles préféreraient les faire fructifier sur place, dans des institutions de crédit. Pour donner une idée exacte de l’industrie nationale, nous dirons qu’une seule fabrique à vapeur fonctionne dans tout l’empire mexicain : c’est une fabrique anglaise installée sur les hauts plateaux, dans la ville de Celaya ; on y travaille les laines. Elle a fourni tous les draps dont s’est habillée l’armée de Juarès en 1863. Si les libéraux l’ont permis, une seconde fabrique à vapeur doit être en construction à Chihuahua, vers l’extrême frontière du nord ; c’est l’œuvre de M. Roger-Dubos, consul français en cette ville. Il a dû apporter d’Europe les machines et tout l’outillage, que, faute de routes au Mexique, il a été forcé de faire passer sur le territoire américain pour les amener à destination. De pareils faits sont humilians pour une nation si voisine des États-Unis, où la science industrielle et l’emploi des forces sont arrivés à une telle perfection. Jamais les Yankees n’auraient laissé les grands fleuves du Mexique sans les couvrir d’usines et sans les faire servir à l’exploitation et au transport des bois arrachés aux forêts vierges.

Les bonnes intentions du gouvernement impérial étant ainsi demeurées inefficaces, deux années précieuses se sont écoulées en tentatives infructueuses, et l’armée française, du séjour de laquelle on eût dû profiter pour fonder des institutions durables, a opéré dans le vide. Tout donc à peu près reste à faire ; les améliorations n’ont eu lieu que sur le papier, et dans un court délai l’état mexicain sera réduit à ses seules ressources. On assure que l’impératrice Charlotte a obtenu un sursis au paiement des échéances dues à la France : ce sera d’un mince secours. Quant au maintien de nos troupes, il ne saurait en être question. L’empire mexicain livré à ses propres forces survivra-t-il à l’évacuation ? Il nous semble que le trône de Maximilien, quoique bien fortement ébranlé, peut encore se raffermir, mais à la condition expresse que le gouvernement entrera sans plus tarder dans une voie radicalement opposée à celle qui a été suivie jusqu’à ce jour.