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sont faites. Puisque l’Autriche a perdu le royaume lombardo-vénitien, pourquoi s’obstinerait-elle à garder les clés d’une contrée où elle ne peut plus paraître en souveraine, où elle n’a plus à se défendre ? Puisque l’Italie à son tour, par un miraculeux concours de circonstances, est arrivée à réaliser ce rêve séculaire de l’indépendance par l’unité, pourquoi se montrerait-elle impatiente d’annexions nouvelles et de territoires contestés ? Pourquoi enfin ne laisserait-on pas au temps, ce grand médiateur, ce grand conciliateur des choses inconciliables, le soin de préparer les solutions, de déterminer la transformation définitive par la force des affinités morales et des intérêts ?

De quoi s’agit-il donc et quels sont les élémens réels, positifs, de cette obscure question des confins italiens, qui n’est point faite pour rallumer la guerre, mais qui peut embarrasser la paix, qui peut encore, plus qu’on ne paraît le penser, se relier à des combinaisons futures ? A contempler de haut la configuration de la péninsule, aucun pays n’a certes de frontières naturelles plus nettement tracées que l’Italie du nord. On a employé une figure pour en donner une idée. Si d’un point central de la Lombardie on tire un rayon vers l’Apennin qui longe la rivière de Gênes, et si on décrit un demi-cercle, on a devant soi le vaste contour alpestre, cet immense boulevard qui semble fait pour servir de barrière entre l’Italie et l’Allemagne, ces Alpi che cingono l’Italia, selon le titre donné par l’ancien état-major piémontais à ses travaux topographiques. A partir du mont Viso, vers la Méditerranée, la chaîne s’étend jusqu’au bord oriental de l’Adriatique, jusqu’au golfe du Quarnaro, où elle expire, et se dresse sur son parcours comme une massive et gigantesque muraille. Alpes noriques, Alpes rhétiques, Alpes carniques, Alpes juliennes, ce sont les noms divers de cette prodigieuse barrière naturelle. Au nord, en suivant la chaîne vers l’Adriatique, sont le Tyrol allemand, la Carinthie, la Carniole, pays autrichiens ; au midi s’étendent la Lombardie jusqu’à la Valteline, le Trentin et ses vallées, la Vénétie, l’Istrie, le littoral de Trieste. A considérer cette disposition des lieux, une sorte de fatalité géographique fait évidemment des sommets alpestres la vraie frontière naturelle ; elle met pour ainsi dire le sceau italien sur tous ces versans méridionaux et semble les rattacher au système péninsulaire. Toutes ces vallées à travers lesquelles se précipitent d’innombrables cours d’eau descendant des Alpes, — l’Adda, l’Oglio, la Chiese en Lombardie, l’Adige, la Brenta, la Piave, la Livenza, le Tagliamento, l’Isonzo en Vénétie, — ces vallées sont manifestement italiennes en quelque façon par nature et par destination. Le littoral de Trieste lui-même n’est qu’un des côtés du golfe de Venise,