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vulnérables de l’ennemi. Et récemment encore quelle était la grande difficulté au sujet de la Vénétie ? C’était toujours cette situation complexe, cette terrible question de l’intérêt allemand, cette sorte d’inviolabilité dont l’Allemagne continuait de couvrir la dernière possession autrichienne au-delà des Alpes. Ce n’était pas à Vienne seulement que l’idée d’une cession pacifique était repoussée, qu’on s’obstinait à représenter la Vénétie comme le bastion avancé du système de défense de l’Allemagne méridionale. L’Italie, avec raison, ne se souciait pas d’aller heurter de front cette masse germanique sur laquelle l’Autriche semblait s’appuyer encore.

Qu’a-t-il donc fallu pour faire tomber l’obstacle ? Rien moins qu’un déchirement de l’Allemagne et ce qu’on pourrait appeler d’une certaine façon une véritable défection de la Prusse sacrifiant pour le moment à son ambition propre toutes les traditions de la politique allemande au-delà des Alpes. Je me place, bien entendu, en parlant ainsi, au point de vue des prétentions germaniques telles qu’elles se sont manifestées pendant longtemps. Et ici il y a une particularité de cette dernière guerre qu’on n’a point remarquée, c’est ce singulier coup de fortune de la diplomatie italienne tournant la difficulté avec un à-propos merveilleux, marchant à la conquête de Venise par une dissolution de l’Allemagne à laquelle elle a certainement contribué, atteignant par la souple hardiesse de ses mouvemens un but devant lequel ses armes se sont arrêtées. C’est un fait : battue sur terre, battue sur mer, l’Italie n’a pas moins vaincu par la puissance de son droit, je le veux bien, mais aussi certainement par cette habileté à saisir le moment d’une défection qui désarmait l’Allemagne, qui occupait les forces autrichiennes et ne laissait plus rien subsister de ce qui avait été le principal obstacle, de tout ce qui avait jusque-là gêné la solution de la question italienne. Je n’ajouterai qu’un mot : l’Italie a réussi parce qu’elle a trouvé une ambition toute prête. L’occasion s’est offerte à elle, elle l’a saisie, et elle n’a point eu tort. Les Italiens se méprendraient singulièrement pourtant, s’ils ne voyaient ce qu’il y a de fortuit, de passager dans cette alliance, comme je le disais l’autre jour. La Prusse a fait bon marché de cette fameuse ligne du Mincio, qui a été le thème de tant de discours et de tant de dépêches : elle a livré la Vénétie, c’était le prix convenu ; mais elle a une ambition trop prévoyante pour ne pas laisser aux autres, même à des alliés, le moins possible, en prenant pour elle le plus qu’elle peut ou en réservant l’avenir. Elle a trop d’intérêt à entretenir, à se concilier les passions, les préjugés germaniques pour leur faire de durables violences, pour les froisser surtout au-delà du nécessaire, La Vénétie une fois cédée, elle redeviendra bientôt allemande vis-à-vis