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fédérale, rien de plus explicable que son penchant continuel vers l’Autriche. Ce fut ce parti qui trois fois en cinquante ans, en 1819, en 1834, en 1850, exploita la répugnance qu’inspiraient au gouvernement prussien les idées révolutionnaires pour retenir la Prusse dans la dépendance devienne et de Francfort.

C’est ce même parti qui est aujourd’hui mécontent au plus haut degré du puissant essor que la Prusse vient de prendre sous la conduite du comte de Bismark. Il maudit l’alliance avec celui qu’il appelle « le roi-voleur, » Victor-Emmanuel ; il pleure et gémit sur ce qu’il nomme la guerre fratricide contre les régimens tchèques et magyars de l’empereur d’Autriche ; il fait tous ses efforts pour ramener sur leurs trônes le pieux roi de Hanovre, l’austère électeur de Hesse, le chevaleresque duc de Nassau. Les relations de ce parti atteignent aux sphères les plus élevées ; il a des représentans dans le ministère ; la chambre des seigneurs est presque toute à lui, et le roi aussi bien que le comte de Bismark, qui représentent en face de ce parti les intérêts non douteux de l’état prussien et de la nation allemande, se trouvent plus fortement entravés par cette résistance silencieuse, mais incessante, que par leurs dissentimens avec le parti du progrès. Dans l’état de choses actuel, la cause de la liberté politique et parlementaire en Prusse et la politique allemande du comte de Bismark sont solidaires. Et ce singulier phénomène reparaît dans les territoires annexés ou alliés : les masses libérales de la population bourgeoise et industrielle se prononcent pour l’unité et pour l’alliance avec la Prusse ; les fonctionnaires, les nobles, les boutiquiers des petites résidences sont pour le rétablissement des anciens souverains et détestent la Prusse. Ainsi se dessine la position de notre gouvernement, avec des lignes très précises, sinon très simples. Comme les partisans de l’ancien ordre de choses sont très forts dans certains territoires isolés, il faudra que ça et là le gouvernement procède par des mesures énergiques. Quant au parti prussien, comme il est décidément libéral, le gouvernement devra regarder de plus en plus les institutions libérales comme le but de ses efforts. Un tel but n’est pas facile à atteindre ; il l’est d’autant moins que les libéraux n’ont pas oublié les anciens malentendus, et qu’ils sont encore bien éloignés d’une pleine réconciliation avec le ministère, qui cependant ne peut éviter une rupture ouverte avec l’ancien parti conservateur. Quel sera le résultat final, et qui osera le prédire ? Une chose est sûre, c’est que ceux qui mettent obstacle aux efforts tout allemands du comte de Bismark rendent service non pas à la cause de la liberté et de la constitution parlementaire, mais bien aux partis féodaux et légitimistes en Allemagne et en Europe. Vous, monsieur, qui vous déclarez réconcilié avec l’unité allemande, si le gouvernement prussien se voue loyalement à la cause de la liberté intérieure, vous devez, je pense, retourner la phrase. — Faites-vous des vœux pour la liberté intérieure en Prusse ? Demandez au gouvernement prussien de ne pas faiblir