Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 65.djvu/543

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Partant de Paris à destination d’un point quelconque de la France, si lointain qu’il soit, doit arriver en deux ou trois heures au plus, que nous nous figurerions volontiers qu’il en est de même à peu de chose près pour les contrées plus éloignées. Loin de là ; pour les grandes distances, ce n’est plus par heures, mais par jours que se compte la durée de la transmission. Ces retards, quelquefois inévitables, plus souvent imputables à une mauvaise organisation, ont contribué peut-être autant que les ruptures de câbles à enlever au public la confiance que mériterait cependant la télégraphie océanique. Voyons par exemple ce qui se passe sur la ligne de l’Inde, objet de tant de dépenses et de soucis pour le gouvernement anglais. Des statistiques exactes évaluent à plus de 2 milliards et demi de francs, importations et exportations, la valeur des échanges opérés entre les ports de la Grande-Bretagne et les contrées de l’Orient, Égypte, Inde, Chine, Australie et Japon. C’est plus que le quart du commerce britannique. On ne saurait payer trop cher l’établissement de communications rapides et régulières avec ces mêmes contrées. Le commerce n’y est pas d’ailleurs seul intéressé. Les affaires politiques, les événemens militaires se simplifient dès que les colonies sont en correspondance facile avec la mère-patrie. Qu’arrive-t il sur cette ligne télégraphique de l’Inde, d’une si grande importance, établie au prix de si coûteux efforts ? Le Times of India, journal de Bombay, annonçait le 8 juin dernier que les nouvelles les plus récentes reçues d’Angleterre avaient six jours de date. Dans le mois de mai, les messages étaient restés quelquefois un mois en route ; les plus rapides étaient arrivés en deux jours. S’en étonnera-t-on lorsqu’on aura suivi la marche d’une de ces dépêches et constaté le grand nombre d’arrêts qu’elle doit subir ? Entre Londres et Bombay, un télégramme peut prendre la voie russe ou la voie de Constantinople. Par la première voie, la compagnie anglaise, qui l’a reçue des mains de l’expéditeur, la transmet à Berlin par la Hollande elle entre en Russie, traverse tout l’empire russe jusqu’à Tiflis, passe en Perse et aboutit enfin à Bushir station de la ligne sous-marine ; là elle est reprise par les Anglais qui la donnent à Kurrachee, et ce dernier bureau lui fait suivre le réseau indien jusqu’à Bombay.

Par Constantinople, c’est encore plus compliqué. Sans parler des petits états intermédiaires, on peut passer par Bruxelles et Vienne, traverser la Servie et la Valachie pour arriver sur le territoire ottoman, ou bien passer par Paris et Turin, parcourir l’Italie, franchir l’Adriatique par un câble sous-marin, entre Otrante et Vallona, et parvenir à Constantinople par Salonique. De Constantinople au golfe Persique, il n’y a qu’une voie, c’est la ligne établie en Asie-Mineure par Diarbekir et Bagdad ; mais, avant d’en arriver là, le