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Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 65.djvu/567

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lumière et à la façon dont il convient de l’introduire dans un tableau et de l’en faire sortir. Grâce à ces enseignemens variés, les peintres ont aujourd’hui sur leurs devanciers le précieux avantage d’apprendre en peu de jours ce qu’à une autre époque on était obligé de découvrir soi-même, quand on en était capable. Dans ces dernières années, la science physique a rendu aux peintres d’autres services encore. Elle les a par exemple avertis qu’ils seraient dupes d’une grave erreur, s’ils se flattaient d’égaler, au moyen des couleurs de leur palette, l’intensité de la lumière naturelle. Elle leur a appris ici, dans la Revue[1], que « quand on étudie successivement les coups de soleil dans les tableaux et qu’on récapitule ensuite les valeurs du rapport cherché, on voit qu’elles sont comprises généralement entre 2 et 4, c’est-à-dire que la puissance du soleil y est plus petite que dans les paysages vrais et qu’elle se trouve diminuée de 80 pour 100. » Plus récemment, une remarquable conférence de M. Niklès, chimiste distingué, a signalé la propriété inhérente à la lumière produite par la combustion du magnésium, de faire éclater les diverses couleurs tant naturelles qu’artificielles avec les mêmes nuances qu’elles présentent au grand jour ; de son côté, M. Chevreul avait déjà reconnu que la lumière électrique a la même propriété. Il est donc évident que l’art du peintre a beaucoup à gagner et qu’il gagnera davantage encore dans l’avenir en s’unissant fraternellement avec les sciences positives.

Toutefois il est des secrets que ni la nature matérielle ni les sciences qui l’étudient ne dévoileront jamais à l’artiste. Il est tels conseils qu’il ne doit demander qu’à sa propre raison ou à certaines sciences morales qui aident sa raison à parler plus clairement et plus haut. Prenons, entre autres, cette question très simple en apparence : sur quel point de son tableau faut-il que le peintre dirige et accumule la lumière ? La réponse est-elle fournie par la nature physique elle-même ? N’en croyons rien. — Assurément la nature arrive sans cesse à la parfaite beauté : pour qui sait la regarder et la comprendre, elle est admirable ; mais elle se comporte autrement que l’artiste et vise à d’autres fins que lui. Dans son indifférence souveraine ou plutôt dans sa bienveillance universelle, elle répand tour à tour sur chacun des êtres de la terre, sur chacune des scènes de la vie humaine la splendeur magique de ses rayons. La brillante lumière du ciel descend aussi bien sur un tas d’ordures informe et infect d’où le passant s’éloigne avec dégoût que sur les fleurs des jardins et sur les moissons des champs ; elle jette son manteau d’or

  1. Voyez, dans la Revue du 1er février 1857, le remarquable travail de M. Jamin sur l’Optique et la Peinture.