Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 65.djvu/729

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la loi générale du développement hellénique est encore à formuler, Toute la période classique a été traitée de main de maître avec cette science solide de l’auteur du Manuel et ce vif sentiment de l’antique qui l’a conduit sur le sol où il est mort ; mais, au point où en est la science, on ne peut plus admettre l’originalité absolue d’aucune nation, on ne peut plus isoler une littérature de toutes les autres, ni en découvrir la loi sans recourir à l’histoire comparée des littératures. La question d’Homère, si fort agitée au siècle dernier et au commencement de ce siècle et qu’Otfried Muller a laissée sans solution, n’en peut recevoir une que par l’étude comparative de nos épopées françaises et des épopées indiennes. Toute la période primitive que domine la légende d’Orphée est demeurée lettre close pour Otfried Muller et pour l’école hellénique, tandis qu’elle s’éclaire du jour le plus vif par la connaissance du Vêda. Tous les grands élémens de la civilisation grecque, la religion, les races, les institutions sociales, ne sont saisis dans leurs origines que depuis qu’on a pu les comparer avec l’Orient. Il en est de même pour la période finale de la civilisation et des lettres grecques : on voyait bien, à partir d’Alexandre le Grand, un changement s’opérer dans les idées et des courans nouveaux traverser en tous sens les écrits de cette longue périodes ces courans, d’où venaient-ils au juste ? Otfried Muller n’a pas conduit jusque là son histoire ; mais il est évident qu’il n’eût pas pu résoudre le problème avec les données que la Grèce seule lui aurait fournies, et que, s’il eût vécu encore vingt-cinq années, la force des choses l’eût conduit à étudier l’Orient et à modifier sa doctrine de l’originalité absolue du peuple grec. Ce sont ces changemens opérés dans les théories de son école par les découvertes récentes dont nous allons essayer d’exposer les plus importans.


I

Toutes les races comprises sous le nom latin de Grecs sont originaires d’Asie, ce fait ne laisse plus aucun doute. Leur berceau a été le berceau commun des peuples auxquels on a donné le nom général d’Aryas et que l’on nomme quelquefois encore Indo-Européens. Toutes les données scientifiques s’accordent à le placer vers le centre de la Grande-Asie, dans les vallées de l’Oxus. Il n’est pas aisé dans l’état présent de la science de suivre la marche des migrations aryennes qui, parties de l’Oxus, sont venues peupler la Grèce ; on voit seulement qu’elles ont suivi plusieurs chemins, le long de la Mer-Noire, par l’Asie-Mineure et par l’île de Crète. Du même centre, sont sorties toutes les migrations qui ont civilisé la terre. C’est une erreur de croire quelles ont suivi la marche du soleil, d’orient en