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panthéon olympien et commandent à la hiérarchie tout entière. On les retrouve avec des noms divers dans presque toutes les mythologies aryennes, soit en Asie, soit en Europe ; mais c’est surtout dans le Vêda qu’ils se présentent avec leur signification symbolique originelle. Ici le nom de chaque dieu est un mot de la langue usuelle désignant à la fois et ce dieu, et sa valeur symbolique, et les phénomènes auxquels il préside. On est surpris que Muller n’ait pas été frappé de ce fait si simple que presque aucun des noms des dieux helléniques n’est un mot grec. Ces dieux et leurs noms viennent donc de plus haut, et c’est là où ils ont une signification primordiale qu’il en faut chercher l’origine.

Qu’il nous soit permis de citer, entre beaucoup d’autres, un exemple emprunté à la légende d’Hercule : ce mythe est à la fois un de ceux dont l’origine asiatique est le mieux reconnue et celui de tous peut-être auquel les Grecs en le localisant ont le plus fortement imprimé la marque de leur propre génie. Parmi les fragmens les plus antiques attribués à Hésiode se trouve une pièce de quatre cent quatre-vingts vers où est racontée la lutte d’Hercule et de Cycnos. Ce Cycnos n’est pas un cygne comme son nom pourrait le faire supposer ; c’est un personnage dont le nom n’est pas grec et que le Vêda nomme un grand nombre de fois. Les hymnes du recueil indien racontent le même combat en maint passage avec une poésie dont plusieurs traits se retrouvent dans le fragment d’Hésiode. Tout le monde sait que l’Hercule grec est un personnage solaire, identique ou fort analogue à l’Indra des Orientaux ; quant à Cycnos, c’est Çushna (le Sec) ou la force qui retient l’eau dans le nuage et produit la sécheresse et la stérilité. La lutte d’Hercule et de ce démon, c’est donc la lutte du soleil contre cette force, dont la défaite a pour but de précipiter la pluie. Cycnos, fils d’Ares, monté sur un char avec son père, soulevait la poussière et infestait les bois sacrés. Apollon lance contre lui Héraclès avec son fidèle écuyer Iolaos. Le char est traîné par le cheval immortel Arion[1] (en sanscrit Arwan). Héraclès a pour armure un bouclier divin qui doit le rendre invincible. La rencontre des deux rivaux a lieu au fort de l’été :

  1. Toute l’histoire de ce cheval mythologique, dont le nom n’est dans le Vêda que le nom commun du cheval, a été localisée par les Grecs primitifs dans le centre de l’Arcadie. Là se trouvent les grands monts Aroaniens et la rivière du même nom qui se jette au Ladon, affluent de l’Alphée ; c’est sur les rives du Ladon qu’est né du commerce de Neptune et de Déméter Arion le cheval primordial, qui sous le nom grec de Chrysaor a été pris pour le symbole de tous les animaux fluviatiles. On voyait dans une grotte sur les rives de l’Alphée une vieille statue de bois de Déméier avec une tête de cheval et portant sur son corps les figures d’un grand nombre d’animaux. En découvrant l’origine aryenne du nom d’Arion, la philologie comparée donne la clé de toute cette légende.