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aussi avec une complaisance marquée sur un de ces hommes puissans par le cœur et la volonté, qui se donnent tout entiers au triomphe d’une idée, qui luttent sans relâche avec tout ce qui leur fait obstacle, et ne quittent la partie que lorsque des armes leur tombent des mains ou qu’ils ont atteint leur but. Rogers Williams, issu de la société puritaine, et convaincu que ses compatriotes faisaient fausse route en ayant recours à la coercition pour sauvegarder la pureté des doctrines religieuses, s’est consacré avec un véritable enthousiasme à la défense de la liberté de conscience, prise dans son sens le plus élevé et le plus absolu. Pamphlets, traités, livres, conférences, voyages sur terre et sur mer, sacrifices de tout genre, il n’a rien négligé pour doter sa patrie de l’indépendance de la pensée ; mais il était trop en avant de son époque pour que ses idées pussent triompher de son vivant. Il les a fait adopter dans l’état de Rhode-Island, dont il était le fondateur ; mais il leur a fallu un siècle pour se faire jour dans les consciences, passer dans les mœurs et entrer dans les lois. Maintenant l’Américain en possession de toutes les libertés compatibles avec l’ordre social peut donner pleine carrière à son activité et développer toutes les facultés inhérentes à notre nature. Si le cœur ne lui fait pas défaut, si la prospérité ne lui tend pas un piège, il pourra remplir une belle mission au milieu des peuples qui aspirent à recouvrer le patrimoine qu’ils ont perdu par leur ignorance.


C. CAILLIATTE.



ARCHITECTURE D’AHMED-ABAD, CAPITALE DU GUZARATE[1]


Ce curieux ouvrage comprend une série de 120 planches photographiques admirablement venues et représentant les monumens merveilleux d’Ahmed-Abad. Elles sont accompagnées d’une savante introduction. L’ensemble forme un volume d’une grande richesse et d’un très vif intérêt ; mais ce qu’il y a de neuf et de rare dans cette publication, c’est le patronage sous lequel elle a vu le jour. Ce sont des Indiens du Guzarate qui en ont fait les frais, — et ces frais sont considérables. Un comité a été formé sur l’invitation du gouvernement de Bombay pour s’occuper de l’archéologie de ces contrées ; ce comité, composé de quinze personnes, la plupart connues déjà par des travaux spéciaux, compte dans ses rangs cinq indigènes, commerçans ou banquiers. Chacun d’eux a souscrit pour 1,000 liv. sterl., c’est-à-dire pour 25,000 fr., et s’est chargé de la publication d’un volume ou même de plusieurs volumes. L’ouvrage sur l’architecture d’Ahmed-Abad ouvre la série de ces publications ; il est dû à M. Premchund Raïchund, l’un des plus riches djaïnas du Guzarate. M. Premchund Raïchund doit aussi faire les frais d’un autre volume, aussi coûteux et aussi beau que le premier et consacré aux monumens du Dharvar et du Mysore.

  1. 1 vol. in-4o, Londres, 1866, John Murray.