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à Charles II un moyen de découvrir le degré de longitude d’un vaisseau en mer. Le roi, quoique fort étranger à l’astronomie, fut pourtant frappé des avantages que la marine anglaise pourrait retirer d’une telle méthode à une époque où la navigation et le commerce commençaient à s’étendre dans toutes les parties du monde. Il soumit donc les vues du Français à une commission officielle de savans dans laquelle sir Jonas Moore, inspecteur-général de l’artillerie et maître de mathématiques du duc d’York, fit entrer Flamsteed, déjà connu comme astronome. Voici le problème qu’on leur proposa de résoudre : « si les mouvemens de la lune parmi les étoiles pouvaient être exactement prédits avant qu’un vaisseau ne quittât l’Angleterre, les navigateurs, en observant la situation de la lune par rapport aux étoiles fixes, ne seraient-ils point à même de trouver l’heure précise et de déterminer ainsi le degré de longitude durant tout le cours du voyage ? » Le principe était inattaquable ; mais Flamsteed fit remarquer avec raison que les tables lunaires étaient alors trop défectueuses pour qu’on pût appliquer ce système, et que même les places des étoiles fixes, lesquelles servent de points de repère pour apprécier les évolutions de la lune et des planètes, étaient trop souvent mal indiquées dans les catalogues du temps. Charles II, malgré sa légèreté, s’alarma d’une telle lacune dans les connaissances humaines, et il prit aussitôt des mesures pour que cette branche de l’astronomie pratique fût cultivée sous ses auspices comme une science nationale. Sur le terrain qu’occupé aujourd’hui le parc de Greenwich s’élevait alors une ancienne tour bâtie vers 1440 par Humphrey, duc de Glocester et oncle du roi Henri VI. En moins d’un siècle, cette tour avait subi plus d’un changement : Henri VIII l’avait reconstruite ou tout au moins réparée en 1526, et il y venait rendre visite, s’il faut en croire la chronique, à une belle dame qu’il aimait (a fayre lady). Du temps d’Elisabeth, cet endroit était appelé Mirefleur) et c’est le même sans doute dont il est parlé dans l’Amadis des Gaules. En 1642, on lui donna le nom de Greenwich castle (château de Greenwich). Christophe Wren, l’architecte de l’église Saint-Paul à Londres, et Jonas Moore désignèrent au roi Charles II le site de cette forteresse comme l’endroit qui convenait le mieux pour y construire un observatoire. La position, sur une colline qui domine la Tamise et le passage des vaisseaux, était en effet excellente. La vieille tour féodale fut donc abattue, et sur ses débris s’éleva un édifice consacré à la contemplation des astres[1].

  1. M. Airy me montra dans la cour une inscription latine surmontant l’ancienne entrée principale de l’observatoire, et indiquant bien l’intention du fondateur, qui voulait surtout fortifier le lien entre l’astronomie et la navigation. Voici d’ailleurs cette inscription : Carolus secundus, rex optimus, astronomiœ et nauticœ artis patronus maximus, speculum hanc in utriusque commodum fecit. Anno Dom. 1676, regni sui 28 Curante Jona Moore. Sur l’origine de l’observatoire de Greenwich, on peut aussi consulter Baily’s account of rev. John Flamsteed, p. 37, et l’Historia cœlestis, t. III, p. 101.