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enthousiastes. La solution des étoiles doubles, par exemple, et tous les problèmes qui s’y rattachent forment un des objets les plus importans d’étude à Cambridge et à Pulkowa, en Russie. Il en est de même des comètes ; les instrumens pour guetter l’arrivée de ces étranges visiteurs sont si puissans dans d’autres observatoires publics et même particuliers, les méthodes pour réduire en calculs les témoignages des sens ont acquis un tel degré d’exactitude qu’on perdrait presque le temps, si l’on répétait souvent les mêmes recherches à Greenwich. L’institution a voulu concentrer ses forces sur ce qui ne se faisait point ailleurs, ou du moins sur ce qui ne s’y faisait point aussi bien. Avec quelle fermeté de caractère, quelle obstination tout anglaise ses observateurs ont volontairement jeté un voile sur certaines splendides curiosités du ciel ! Du temps de John Pond, un télescope de 20 pieds de longueur avait été monté à grands frais dans l’établissement, et, comme cette lunette attirait des visiteurs, il fit démanteler l’instrument. Vers 1847, M. Airy étant astronome royal, M. Lerebours offrit à l’observatoire de Greenwich le plus grand télescope à réfraction qui eût jamais été construit. Certes la tentation était grande ; il eût été flatteur pour l’institution de posséder une telle merveille unique dans le monde ; M. Airy n’avait qu’à dire un mot, et les lords de l’amirauté auraient assurément consenti à cet achat. L’astronome écarta au contraire le présent d’une main sévère. Que craignit-il donc ? Les perfides influences de la sirène, qui, en fixant l’attention sur les beautés du ciel, aurait peut-être détourné les assistans de leur tâche journalière et compromis le succès de l’observatoire.

D’accord avec le principe anglais de la division du travail, l’établissement de Greenwich a tracé dans le champ des phénomènes célestes la limite de ses recherches, et il a retenu pour lui la part la plus laborieuse, sinon la plus ingrate. C’est celle du moins qui exige le plus de calculs, une extrême précision dans les instrumens et une continuité infatigable dans le système des observations. On ne cultive guère en réalité dans l’ancienne demeure de Bradley qu’une branche de l’astronomie, la plus pratique et celle qui se rapporte directement à la marine. Les observations s’attachent jour et nuit au soleil, à la lune, aux planètes et à certaines étoiles dans leur passage au méridien ; mais les études gagnent ainsi en profondeur ce qu’elles perdent en étendue. C’est en effet à une telle limitation que les savans attribuent la renommée universelle de cet observatoire. Aussi tout instrument de luxe étranger à l’objet principal est-il ou rejeté ou accueilli avec froideur. Il ne faudrait point d’ailleurs se méprendre sur le sens du mot pratique ; les délicates observations qui se poursuivent à Greenwich, à cause même de la