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les bureaux de quelques riches négocians de Londres. Un tel système nerveux, appliqué à la dissémination de l’heure, est sans aucun doute destiné à s’étendre ; il s’accroît déjà tous les jours par les nouveaux fils qui s’attachent et s’embranchent aux anciens troncs. Pourquoi ne viendrait-il point un jour où l’habitant de Londres recevrait chez lui l’heure de Greenwich comme il reçoit déjà le gaz et l’eau ?

J’étais naturellement curieux de voir le centre d’où partent toutes ces communications électriques. L’astronome royal me conduisit vers une trappe et une échelle d’où l’on descend dans un double caveau. La première voûte est occupée par des batteries galvaniques rangées sur des planches. Dans la seconde se tordent, s’enroulent, se croisent sur les murs et sur le plafond d’assez gros fils de fer dont les nœuds représentent assez bien les replis d’un serpent contourné sur lui-même, coils. Ces fils, dont la plupart communiquent avec certains instrumens de l’observatoire ou avec l’horloge motrice, traversent la terre dans des étuis pour se rendre à la station du chemin de fer de Greenwich, d’où ils rayonnent ensuite sur toute l’Angleterre et sur le continent. Il y a quelques années, ce service télégraphique se faisait en plein air ; mais par deux reprises, dans l’hiver de 1865 et de 1866, une tempête de neige, accompagnée de terribles coups de vent, détruisit les fils et abattit les poteaux qui les soutenaient. Pour éviter les interruptions auxquelles donnaient lieu de semblables accidens, on a depuis lors adopté un système de communications souterraines. En ce qui regarde l’heure, ces fils télégraphiques ont une double mission : un courant parti de Greenwich transmet le signal donné par l’horloge de l’observatoire, et ce qu’on appelle un courant de retour indique ensuite les erreurs de l’autre horloge sur laquelle le moteur vient d’agir. Ce mouvement de va-et-vient est nécessaire à la précision du système qui les gouverne. « Je ne me chargerais jamais de régler une horloge qui ne me répondrait point, » me disait l’astronome royal. Et comme nous passions devant un des appareils galvaniques : « Tenez, ajouta-t-il, voilà précisément la grande horloge de Westminster qui me donne de ses nouvelles ; elle va bien et ne retarde que d’un vingtième de seconde. Deux fois par jour, elle me tient ainsi au courant de l’état de sa santé. » Y a-t-il lieu de douter que cette mesure exacte du temps ne contribue beaucoup à développer chez nos voisins le sentiment de la ponctualité considérée par eux comme l’âme des affaires ?

Non content de distribuer l’heure à tout le royaume, l’observatoire de Greenwich prend encore soin des instrumens qui doivent l’indiquer aux navigateurs sur l’immensité des mers. Je fus conduit dans une salle de l’établissement qu’on appelle la chambre des