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Criswick. « En voilà un, lui dis-je, qui va mal. » Il me fit observer à son tour que ce chronomètre était dans l’établissement depuis janvier 1866, et nous étions alors en août ; je fus forcé d’avouer que je bénirais ma montre, si elle n’avançait ou ne retardait que de dix minutes en huit mois. Un autre chronomètre marquait au contraire l’heure exacte. « Pour le coup, m’écriai-je, en voilà un qui est excellent. » La réponse fut qu’on ne pouvait nullement le savoir, a attendu qu’il n’avait point encore été sous la ligne. » Comme ces chronomètres sont destinés à traverser les mers et les différens climats de notre globe, il a été jugé nécessaire de les soumettre successivement à des températures artificielles. Pour faire le froid, on les place à l’ombre dans l’encoignure d’une fenêtre qui s’ouvre sur le nord ; mais ce n’est pas tant la froidure que redoutent les chronomètres, c’est la chaleur. On me montra aussitôt une quarantaine d’entre eux qui voyageaient en quelque sorte sous l’équateur. Comment appeler autrement une espèce de four échauffé par la flamme du gaz jusqu’à la température de 80 degrés, et dans lequel ces initiés subissent l’épreuve du feu ? Lorsqu’ils ont ainsi passé sans broncher par tous les climats extrêmes auxquels les autres pendules se montrent si sensibles, ces chronomètres ont bien droit à une récompense. L’astronome royal décidé en dernier ressort de leur valeur, et les recommande sous sa responsabilité au gouvernement pour les besoins de la flotte[1].

La science du temps est une de celles que l’on pratique le plus à l’observatoire de Greenwich, et elle a certainement sa grandeur aussi bien que son utilité. « Que de choses peuvent arriver, disent les astronomes, durant le passage d’une étoile ! la mort d’un roi, peut-être même la chute d’un empire. » Le ciel n’est pourtant point le seul objet d’études qu’on poursuive dans l’établissement. Les étalons des poids et mesures ayant été brûlés en 1834 dans le palais du parlement, l’astronome royal fut nommé président d’une société chargée de les reconstruire d’après certains principes mathématiques. On peut voir en effet, sur le mur extérieur de l’observatoire, les types en bronze des mesures nationales, telles que le mètre, yard, le pied (foot). Qui ne sait que les Anglais n’ont point encore adopté notre système décimal, auquel ils reprochent certaines incorrections ? Les savans de Greenwich s’occupent en outre de toute une série d’obscurs phénomènes appartenant surtout à notre globe terrestre, mais qui rentrent pourtant dans l’étude générale du système de l’univers. A l’observatoire des astres se trouve annexé un observatoire magnétique et météorologique.

  1. La grande expérience des astronomes de Greenwich fait qu’on soumet aussi de temps en temps à leur examen des télescopes et des lunettes marines. Un tel contrôle ne peut que beaucoup perfectionner la construction de ces instrumens.