Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 65.djvu/91

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

infirmes. Ces cleaners, comme on les appelle, sont en général très assidues, très serviables, très dévouées, et généralement aussi leurs services sont assez mal reconnus. L’ingratitude n’est pas rare chez les convicts, dont l’exigence est poussée fort loin. A part des dortoirs communs sont quelques cellules, vastes et bien aérées, pour les cas particuliers ou la contagion est à craindre, ou bien encore à l’usage des malades qui trouvent moyen, même là, de persister dans leurs révoltes obstinées ; on en voit qui, jusqu’aux approches de la mort, demeurent intraitables, et tâchent de tout briser, de tout déchirer autour d’elles, la couverture qui les protège, le vase où on leur apporte une potion calmante. J’avais entendu parler de maladies particulières aux établissemens pénitentiaires. Je n’en connais qu’une, les prison-mwnps[1], et je ne la connais que de nom. Les cas de consomption sont assez fréquens, mais bien moins chez nos femmes que chez les prisonniers de l’autre sexe. Nous n’avons eu cette année que six poitrinaires sur deux cent soixante-quinze malades. Ce dernier chiffre paraît considérable quand on le rapproche du nombre de nos convicts, — quatre cent soixante-douze ; — mais je vous répète que les indispositions, simulées parfois avec une ténacité, une habileté surprenantes, et au prix de véritables tortures volontaires, doivent grossir d’une façon notable le contingent de nos invalides. En fait de décès, on n’en a constaté que cinq dans le courant de la dernière année, et la prison n’est peut-être pas responsable de tous, car il nous arrive quelquefois des condamnées atteintes de maladies incurables. Un de nos médecins, qui tient avec soin des notes statistiques, a cru remarquer que la mortalité chez les prisonniers se manifestait plus fréquente à la quatrième année de la captivité. Si ce fait pouvait être admis, comme parfaitement prouvé, n’est-ce point là un fait qui mérite d’attirer l’attention du législateur ?

Faut-il maintenant reprendre l’histoire de Jane ? Elle n’est plus à l’infirmerie, où j’avais expressément demandé à être employée pendant son séjour. J’y suis restée après son départ, et voici plusieurs semaines que nous ne nous sommes vues. On m’assure que, pour le moment, sa conduite est un peu meilleure ; mais elle écrit encore et souvent à Susan Marsh, dont j’ai obtenu la translation dans un autre ward que le sien. Nous l’avons laissée, si ma mémoire me sert bien, sur l’escalier de la New-Vennel, pleurant à chaudes larmes la disparition inattendue de cette mère qui l’abandonnais Où aller ? Chez son pal sans doute, si elle eût su où logeait Ewan ; mais il la tenait toujours à cet égard dans une

  1. Esquinancie, glandes au cou.