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proportions les plus graves. On peut voir, en remontant la rivière de Saigon, des forêts vierges de 100 hectares de superficie brûlées sur pied, et les plus précieuses essences sacrifiées de la sorte en quelques jours pour obtenir en riz, en citrouilles et en sésames une récolte qui n’a pas la millième partie de la valeur des bois détruits. Ces ravages sont l’œuvre de populations à demi nomades, les plus misérables de la Cochinchine, qui vivent quelque temps dans l’espace ainsi défriché par elles, et se transportent ensuite plus avant dans la forêt en marquant chacune de leurs étapes par de nouveaux dégâts. Les bois exploités pour en tirer un parti commercial, soit par elles, soit par d’autres, le sont avec une telle barbarie de mise en œuvre qu’il suffirait d’un petit nombre d’années de ce régime pour produire des maux irréparables. Enfin il est à craindre qu’en déboisant ainsi le sol on ne vienne à modifier dangereusement les conditions météorologiques du pays, car la disparition de ces grandes forêts qui régularisent l’écoulement des eaux pluviales serait probablement la cause d’inondations fatales à la culture. Il est urgent de porter remède à cet état de choses, et l’administration a déjà pris des mesures pour conjurer le mal. Le domaine forestier de la Cochinchine ne comprend pas moins de 800,000 hectares ; en lui supposant, comme à nos forêts de France, une production moyenne de 4 stères par hectare, on voit que l’on pourrait arriver au formidable chiffre de 3,200,000 stères par an, représentant une valeur de 90 millions de fr. La production actuelle est d’ailleurs si insignifiante qu’on peut la passer sous silence, en se bornant à dire que dans ce pays si riche en bois de toute nature l’importation dépasse encore chaque année l’exportation. Il n’est pas nécessaire d’ajouter que de longues années s’écouleront avant que l’on puisse songer à rien qui approche du résultat idéal que nous venons d’indiquer. Toutefois la perspective n’en est pas moins encourageante, et si nous ne pouvons prétendre encore à l’aménagement complet de ces richesses, au moins est-il de notre devoir d’en assurer l’avenir dès aujourd’hui en mettant un terme à la dévastation avant qu’elle ne soit sans remède.

Le mouvement maritime de la Cochinchine a sans cesse été en augmentant depuis que nous y sommes établis, et il s’est élevé à 502,282 tonneaux pour 1865, en accroissement de 121,763 tonneaux sur l’année précédente. De même les exportations de 1865 ont dépassé une valeur de 21 millions, tandis que celles de 1864 ne s’étaient élevées qu’à 17 millions ; en y joignant 14 millions d’importations, c’est, un ensemble d’affaires de 35 millions. Encore le document officiel auquel nous empruntons cette évaluation ne compte-t-il le tonneau de riz qu’à 160 fr., alors que le véritable