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aux perles d’un collier, ils constituent par leur union un ensemble géographique de la plus frappante simplicité.

A l’exception des contrées orientales, peuplées par une nation d’origine portugaise, et de la zone marécageuse des Guyanes, où se sont installés quelques milliers de planteurs anglais, français et hollandais, toute l’Amérique du Sud, — c’est-à-dire les régions andines et les grandes plaines fluviales, — est habitée par des hommes de races mélangées formant de leurs élémens épars une nouvelle race de plus en plus homogène. Les colons des diverses parties de l’Espagne, qui pendant trois siècles ont été presque les seuls Européens du continent, se sont partout alliés aux Indiennes, et de ces croisemens est née une population nouvelle qui tient à la fois de l’Espagnol par son intelligence, son courage, sa sobriété, et de l’aborigène par sa force passive, sa ténacité, sa douceur naturelle. Même dans les pays où les Espagnols se disent purs d’origine, comme au Chili et sur les plateaux grenadins, un mélange s’est opéré entre les conquérans et les familles des vaincus, et les Chiliens peuvent en conséquence se dire aussi bien les fils des Araucans que ceux des compagnons d’Almagro. Non-seulement les aborigènes sont ainsi entrés d’une manière indirecte dans la grande famille des nations latines ; mais en outre la plupart des tribus sauvages se sont peu à peu groupées autour de la population créole. Elles en ont adopté partiellement les mœurs, et par leur fraternité d’armes durant la guerre de l’indépendance sont devenues un seul et même peuple avec leurs oppresseurs d’autrefois. Sur les côtes, un petit nombre de nègres, issus des anciens esclaves africains, ont contribué au mélange des races ; mais ce troisième élément n’a qu’une faible importance relative, et le fond des populations andines reste d’une manière presque exclusive le produit des deux races espagnole et américaine. À ces nations du continent du sud, il faut encore ajouter celles de l’Amérique centrale et du Mexique, également latines et indiennes par leurs ancêtres. De l’estuaire de la Plata aux bouches du Rio-Bravo et du Colorado, sur un espace occupant environ 10,000 kilomètres de longueur, vivent plus de 26 millions d’hommes parlant tous la même langue, se rattachant tous au sol américain par leurs aïeux indigènes et participant aux mêmes souvenirs historiques par les traditions de la mère-patrie et les efforts communs tentés contre les Espagnols pendant quinze années de luttes.

Malheureusement ces nations, désunies par les guerres intestines, séparées les unes des autres par de vastes solitudes et même par des régions inexplorées, ne sont point encore un groupe de peuples frères : leur unité, si bien indiquée par la nature et par l’origine, ne s’est point encore réalisée en politique. Toutefois cette union