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de jour en jour par suite de trop fortes émissions et de la grande quantité de mauvaises valeurs qui emplissaient son portefeuille, s’est vu interdire par les chambres le droit de fabriquer de nouveaux billets. Les bons du trésor, émis pour faire face aux énormes frais de la guerre, vont se déprécier à leur tour, et le Brésil aura fait vers la banqueroute une nouvelle et périlleuse étape. Son crédit est tombé si bas que même les actions des voies ferrées, pour lesquelles le gouvernement a garanti un intérêt annuel de 7 pour 100, se négocient de beaucoup au-dessous du pair. Rio-de-Janeiro devrait pourtant se laisser éclairer par l’exemple de son alliée Buenos-Ayres, qui a dû subir l’humiliation de ne pas trouver une livre sterling sur la place de Londres, et dont le papier est au cours de 2,600 pour 100 relativement à l’or.

La guerre n’est pas seulement désastreuse pour les finances du Brésil, elle met aussi en danger la stabilité de l’empire en augmentant la divergence d’intérêts qui existe entre le nord et le sud du pays. Ce sont les grands propriétaires des provinces méridionales qui ont amené cette lutte : poussés par la rivalité traditionnelle qui les anime contre leurs voisins d’origine espagnole et par l’amour des aventures et des combats qui distingua toujours leur race, désireux de conquérir un territoire fertile où ils pourraient obtenir en abondance des vivres qui leur font défaut et qu’ils font venir en partie des États-Unis et de l’Europe, irrités surtout de l’étrange prétention qu’avaient les républiques limitrophes de vouloir donner asile aux esclaves fugitifs, servis d’ailleurs par les ambitions du gouvernement de Rio-de-Janeiro, les fazendeiros du Rio-Grande n’ont pas eu de peine à inventer des griefs contre la Bande-Orientale, et les déplorables dissensions de cette république leur ont donné l’occasion d’intervenir. Tant que les classes gouvernantes du nord de l’empire ont cru que la guerre serait un simple jeu, et qu’en un petit nombre de semaines leurs soldats vainqueurs seraient entrés triomphalement à Montevideo et à l’Assomption, elles ont épousé avec plaisir la cause de leurs compatriotes du sud ; mais leurs premières illusions ont fini par s’évanouir, et maintenant elles voient avec effroi ce que leur a coûté cette complicité. Aussi n’est-il pas étonnant qu’à Bahia, à Pernambuco, dans toutes les provinces du nord, négocians et planteurs, dont le courant d’affaires est en entier dirigé vers l’Europe et les États-Unis, se demandent avec impatience quand donc finira cette interminable guerre, qui les ruine sans leur apporter le moindre profit en échange. Il y a dans cette situation les élémens de graves dissensions entre les diverses parties de l’empire ; des comités de salut public et de résistance à la guerre se forment dans les villes du nord, et les mouvemens insurrectionnels, jadis si