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Ces piliers, une fois construits et reliés solidement entre eux, soit par des poutres transversales, soit par du fer, permettent de remplir les vides en matériaux légers et de faire des ouvertures aussi larges que le veulent les entre-pilastres et le goût décoratif. C’est sur ce carré que s’élève alors la coupole, le dôme, qui donne à la masse solide et bien assise une grâce et une légèreté indescriptibles. On voit à quel point est naturelle la structure, la carcasse d’un édifice. La régularité parfaite est déjouée suffisamment par l’habile division des espaces et par le relief des pilastres, qui en empêchent la monotonie, puis par l’ornementation qui s’y ajoute.

Dans cette incroyable architecture, si fine, si légère et cependant si solide, il y a un luxe de détails qui, sans nuire au caractère de l’ensemble, y ajoute une variété inépuisable. Le dessous d’une broderie est encore de la broderie, et l’ornement se décompose en d’autres plus fins qui le brodent lui-même. La pierre est métamorphosée de telle sorte sous ces arabesques, tantôt en creux, tantôt en relief, peintes ou émaillées, qu’elle n’apparaît pas comme la chose indispensable. On peut dire que l’ornement est tout, car tout est ornement, et la loi de statique, la loi architecturale se cache sous ce manteau avec tant d’habileté et de science, que l’esprit émerveillé cherche vainement les aplombs, les tenans et les soutiens auxquels l’œil est habitué dans l’architecture rectiligne. A la vue de ces coupoles, de ces grilles, de ces murs à jour, on se demande si tant de légèreté dans la construction a pour but d’alléger la charge d’un tympan ou de créer un système de ventilation, afin d’amener la fraîcheur dans les salles. Toutes ces nécessités en effet sont satisfaites, et la manière dont on y a pourvu vient encore concourir à l’harmonie générale. Ces artistes comprenaient que les colonnes, qui ont pour mission de soutenir les arceaux, les galeries et les dômes, ne sont pas faites pour obstruer le regard, comme il arrive dans les monumens anciens. Aussi leurs colonnes sont-elles parfois si grêles qu’on les croirait douées d’une force inconnue, si on ne considérait que l’immense hauteur des murs ou des coupoles qu’elles supportent, et si on ne savait que le poids est calculé de façon à ne jamais dépasser la limite convenable. Grâce au choix des matériaux, la colonne peut être élancée sans que la solidité y perde rien.

Une des richesses de la sculpture persane consiste dans les légendes qui ornent les frises, les cordons et les encadremens. Cette idée si féconde d’admettre l’écriture comme un des principaux motifs de décoration architecturale, l’Orient l’a toujours employée avec un art infini. Cet usage n’a été imité en Occident que dans des cas bien rares, et n’a jamais été suivi comme un principe. Aujourd’hui