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Allemands en goûtèrent seuls la première saveur ; les Français, les Anglais et une partie des Suisses durent se contenter des beautés de la pantomime. Dans ces conditions, on ne s’anime guère que pour les querelles. Il est à croire en effet que les scènes du début tait eu pour cause l’impatience engendrée par des moyens d’explication insuffisans. Des assistans demandaient poliment à être entendus, les congrès devraient en cela imiter les académies qui y souscrivent de bonne grâce ; mais le requérant était Français, et le président Anglais. Dès lors point ou peu de probabilité d’une entente directe ; force était de recourir aux truchemens, qui y mettent toujours du leur et ne savent pas faire valoir les nuances, si bien qu’après beaucoup d’explications tronquées on en vint à des vivacités que tout le monde dut regretter plus tard. C’était une suite de la confusion des langues.

Que ce soit pour ces motifs ou à cause du droit d’entrée, les ouvriers de Genève ont montré peu d’empressement à suivre les travaux du congrès. Il y a eu des jours où les bancs réservés aux spectateurs sont restés à peu près vides, à ce point que ces délibérations publiques avaient l’aspect d’un comité secret. On expiait la faute qu’on avait commise en murant les portes au lieu de les ouvrir. Tout bruit extérieur s’est ainsi éteint peu à peu, et le jour de la clôture il n’y a eu ni fanfares ni discours. Les délégués se sont séparés après s’être donné rendez-vous à Lausanne pour l’année prochaine ; le conseil central, maintenu à Londres, était confirmé dans ses pouvoirs. Les statuts de l’association avaient été étudiés, discutés et refondus en comité. Chaque section aura désormais un bureau : des correspondances régulières s’établiront de bureau à bureau, et de tous les bureaux au bureau central. Les Anglais ont mis la main à ces arrangemens, et ils ne sont pas gens à les laisser se rouiller. Peut-être ont-ils seuls un but dans cette affiliation en grand, étendue à toute l’Europe ; nous verrons bien. Pour le moment, les faits en sont là ; passons maintenant aux idées.


II

Il est plusieurs questions économiques qu’ont simultanément et presque identiquement traitées les délégués à l’exposition de 1862 et les délégués au congrès de Genève en 1866. Si le sentiment qu’ils expriment est celui de la généralité des ouvriers, les entrepreneurs d’industrie auront sous peu de rudes assauts à soutenir. En premier lieu, la limite des heures de travail. On sait que la loi l’a fixée en France à douze heures ; un décret daté du Luxembourg l’avait fait descendre à dix heures en 18A8, ce qui parut