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d’une commission. Le problème que nous avons à résoudre est donc posé en termes précis et indiscutables par la nouvelle situation militaire qui existe en Allemagne ; il faut que la France se constitue pour le cas de guerre une force disponible d’un million d’hommes. Nous indiquions cette conclusion dès le lendemain de la bataille de Kœniggrætz, et cette conclusion, ce sont aujourd’hui les faits qui l’établissent, plus rapides encore que nous ne l’avions prévu.

Voilà pour les caractères de nécessité et d’urgence qui doivent frapper tout le monde dans l’œuvre que nous avons à entreprendre. Cette nécessité justifie bien la haute commission d’étude annoncée par le Moniteur. La mission de ce comité est de concevoir et de proposer à la France le système d’une armée qui pourrait fournir en cas de guerre un million de combattans efficaces. Dire ce que doit être ce système, voilà ce qui de notre part serait présomptueux et prématuré ; mais tout le monde est en mesure d’apprécier dès à présent la nature des sentimens et la vertu des principes avec lesquels il faut que cette patriotique étude soit abordée. Évidemment dans la préparation d’un plan d’où vont dépendre la sécurité et la puissance de la France, il faut se mettre en garde contre toutes les chances possibles d’erreur. C’est une de ces circonstances où le patriotisme doit s’épurer et s’élever à la délicatesse et à la hauteur du sentiment religieux. C’est dans ces occasions que, selon le grand et positif langage de Bossuet, il ne faut laisser rien à la fortune de ce qu’on peut lui ôter par conseil et par prévoyance. L’histoire ancienne et récente nous enseigne que l’issue d’une journée de bataille peut décider pour des siècles de la destinée d’un peuple et d’une civilisation ; les faits contemporains nous montrent que les guerres ne peuvent plus être que le choc rapide des forces accumulées et condensées des nations, et doivent prononcer d’un seul coup l’arrêt fatal. Jamais la portée des moindres fautes dans les conceptions militaires n’a donc été plus grave qu’à notre époque ; jamais les erreurs provenant de l’ignorance, des préjugés, des prétentions personnelles, des frivolités vaniteuses, n’ont été exposées à être suivies de conséquences plus funestes ; jamais donc hommes d’état et généraux n’ont dû approcher d’une délibération sous une obligation de devoir public plus étroite, plus exclusive, plus impérieuse, que celle qui s’impose aux membres de la commission nommée pour préparer la réforme de l’armée française.

Pénétrés de l’importance de ce devoir, nous sommes convaincus que la commission ne s’arrêtera point à quelque solution approximative et sommaire de la question qui lui est proposée. On ne peut ici céder à ces mouvemens de légèreté malheureusement trop familiers à notre caractère national : on ne peut pas se contenter d’à peu près et d’apparences, il faut aller au fond des choses. Par exemple, il sera indispensable d’examiner sérieusement l’influence exercée par la loi de dotation sur l’état présent de notre armée. il faudra étudier les effets du système de recrutement, d’exoné-