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immenses bouleversemens du moyen âge. Elle accompagna les Burgondes dans leurs désastres ; elle a traversé ainsi le règne de Charlemagne, qui en recommande l’observation dans la province de Burgondie, et l’on trouve jusqu’au Xe siècle des chartes portant cette formule : ego qui professus sum lege vivere gundobada, où le signataire déclare vivre sous cette loi ; ses dispositions principales, comme le régime de la dot et de l’augment de la dot, l’indivision de la forêt et du pâturage, le droit de paissance et d’affouage, ont traversé les législations successives de Savoie, les statuta Sabaudiœ de 1430, les constitutions royales de 1770, et sont arrivées jusqu’au code de Charles-Albert de 1837.

Tandis que cette loi régissait les Burgondes en corps de nation et qu’ils la gardaient encore après leur défaite comme le plus précieux débris de leur courte fortune, il s’accomplit au pied des Alpes une grande œuvre de fusion qu’on a justement remarquée[1]. Des peuples divers amenés par l’invasion et des débris indigènes mêlés et confondus dans le tumulte violent du moyen âge, il se forma aussitôt après la chute de l’empire de Charlemagne, sur l’espace précédemment occupé par les Burgondes, un groupe complexe dont les efforts ardens vers l’indépendance enfantèrent tour à tour ces ébauches de royaumes aux contours indistincts et mobiles, imparfaitement connus sous les noms de Cisjurane, d’Arles et de Vienne, de Transjurane et de second royaume de Bourgogne. Un premier effort eut lieu en 879 à Mantalla sur l’Isère. Le duc Boson s’y fit élire roi et fonda la dynastie qui porte son nom, et à laquelle les généalogistes les plus autorisés[2] rattachent celle de Savoie. Son petit-fils Charles-Constantin, qui ne reçut de son père Louis l’Aveugle qu’un héritage compromis et amoindri par de malheureuses entreprises en Italie, passe pour le grand-père du premier des Humbert de Savoie. Neuf ans après, un second effort plus heureux fut tenté dans la gorge du Valais, à l’extrémité du Léman, dans la région appelée la transjurane, qui avait été le centre de l’établissement burgonde. Là était située l’abbaye de Saint-Maurice, fondée par le dernier roi, l’infortuné Sigismond, sur l’emplacement présumé du martyre de la légion thébaine. Les moines y avaient caché, en souvenir du fondateur, les insignes de la royauté, l’anneau du chevalier romain Maurice, chef de la légion, sa lance, et le diadème de Burgondie, célèbre dans les chroniques de la Transjurane, qui a exerce sur le versant occidental le même prestige que la couronne de fer des rois lombards sur l’autre versant. Rodolphe Welf, comte du

  1. L. Ménabréa.
  2. Du Bouchet, d’Hozier et Gingins-de-la-Sarraz.