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entrerait lui-même dans, le duché de Milan en sa qualité de prince italien et d’allié de la France. Le principe ne fut respecté ni par Louis XIV, qui l’avait reconnu, ni par les autres puissances. La vallée du Pô fut cette fois comme toujours le champ de bataille de la France, et de l’Autriche. Victor-Amédée, froissé du mépris que montrait Louis XIV pour un principe accepté par lui, opéra ce brusque revirement de 1703 qui a laissé sur sa politique un fâcheux stigmate de duplicité : il adhéra à la coalition de La Haye, et le résultat de ce mouvement fut la défaite de l’armée française devant Turin, défaite qui commença la série des désastres du grand règne. Le principe d’une pondération plus équitable des pouvoirs italiens a eu moins de peine à triompher. Une alliance avec la France, secrètement conclue par d’Ormea, ministre de Charles-Emmanuel III, et le cardinal Fleury, ministre de Louis XV, et une rapide campagne de l’armée française en Lombardie suffirent, en 1733, pour établir l’équilibre qui s’est maintenu jusqu’à la révolution. La domination autrichienne restreinte au seul duché de Milan, les Bourbons d’Espagne introduits au midi, deux ou trois petits états au centre, et la Sardaigne agrandie jusqu’au Tessin, tels furent les résultats de cette guerre heureuse. L’Italie respira dans cette situation nouvelle, et une noble émulation de réformes s’établit entre ses petits princes, dont aucun n’avait sur les autres une prépondérance trop décidée.

Enfin, s’élevant à une conception plus haute de l’intérêt général de la nation, la maison de Savoie l’a saisi sous son véritable aspect, celui de l’indépendance et de l’unité. Cette vue des droits de l’Italie, toujours plus claire et plus nette, constitue la véritable légitimité de la maison de Savoie. Elle a pourtant cherché à s’en donner une autre. Nous l’avons vue, dans la première période de ses développemens en-deçà des Alpes, s’efforcer de renouer les traditions des rois burgondes. La même tentative se reproduisit de l’autre côté des monts après que le duc Emmanuel-Philibert y eut porté le centre de la monarchie. Un historien piémontais, Lodovico della Chiesa, établit pour la première fois en 1608 l’origine italienne de la maison de Savoie en la rattachant à la postérité des rois lombards. Cette opinion historique, si bien d’accord avec la tendance politique qui avait prévalu, trouva dès lors pour défenseurs dévoués des écrivains de mérite, les Tesauro, les Maffei, les Napione et les Cibrario, qui ont fait pour la soutenir d’immenses efforts d’érudition. Rien de plus fastidieux que la lecture de ces documens généalogiques. On ne s’explique pas d’abord l’importance attachée à une question d’origine, et il faut, pour la comprendre, se rappeler qu’à une époque où le droit national se confondait avec le droit