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l’esprit. A la clarté de cette réflexion, bien des équivoques involontaires se dissiperont.

Que signifie en effet ce grand principe du déterminisme sur lequel l’auteur revient avec une insistance marquée, comme pour mieux l’inculquer dans l’attention du lecteur ? Rien que de très simple en vérité, si vous en limitez l’application à l’ordre des connaissances que poursuit exclusivement l’auteur, et dans lesquelles volontairement il borne son horizon ; mais si vous en faites un critérium universel pour tous les ordres de connaissances, vous le transformez aussitôt en une redoutable machine de guerre contre la métaphysique et les vérités qui en dépendent. Voyons au juste en quoi consiste ce principe, et nous nous persuaderons sans peine que dans sa formule scientifique et dans ses applications variées aux phénomènes physiques, chimiques, physiologiques, il n’est ni à contester sérieusement, ni à redouter.

Le caractère essentiel de tout fait scientifique est d’être déterminé ou du moins déterminable. Déterminer un fait, c’est le rattacher à sa cause immédiate et l’expliquer par elle. Or tel est le but de la méthode expérimentale, partout où elle s’applique : elle ne tend partout et toujours qu’à rattacher par l’expérience les phénomènes naturels à leurs conditions d’existence ou à leurs causes prochaines. — Que si un phénomène se présentait dans une expérience avec une apparence tellement contradictoire qu’il ne se rattachât pas d’une manière nécessaire à des conditions d’existence déterminées, la raison devrait repousser le fait comme un fait non scientifique. Il faudrait attendre ou chercher par des expériences directes quelle est la cause d’erreur qui a pu se glisser dans l’observation. Il faut en effet qu’il y ait eu erreur, car l’admission d’un fait sans cause, c’est-à-dire indéterminable dans ses conditions d’existence, n’est ni plus ni moins que la négation de la science. — La science n’étant que le déterminé et le déterminable, on doit forcément admettre comme axiome que dans des conditions identiques tout phénomène est identique, et qu’aussitôt que les conditions cessent d’être les mêmes, le phénomène cesse d’être identique : de telle sorte qu’un phénomène naturel, quel qu’il soit, étant donné, jamais un expérimentateur ne pourra admettre qu’il y ait une variation dans l’expression de ce phénomène sans qu’en même temps il ne soit-survenu des conditions nouvelles dans sa manifestation[1]. Voilà dans sa plus simple expression le principe du déterminisme.

Ces règles, qui sont tout simplement les conditions générales de la méthode expérimentale, doivent s’appliquer aussi bien dans les

  1. Introduction à la médecine expérimentale, p. 94, 95 et passim.