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hostilité envers le gouvernement autrichien par des attaques très vives contre la France, qui ne se doute guère des colères et des inimitiés qu’elle excite si loin d’elle, chez des nations dont l’existence lui est à peu près inconnue. Au surplus, cette inquiétude des Slaves autrichiens coïncide avec les déclamations très accentuées de la presse russe. Le sort de la Galicie étant devenu un motif d’espérance pour les Polonais soumis à la Russie et à la Prusse, la mauvaise humeur des Russes est naturelle, et celle de la Prusse, qui entend incorporer le duché de Posen dans sa confédération du nord, se peut supposer sans témérité. De ces premiers et vagues conflits, il résulte que l’Autriche, rencontrant la Prusse, si elle se tourne du côté de l’Allemagne et se heurtant à la Russie et encore à la Prusse, si elle fait mine de regarder vers la Roumanie et les Slaves des bords du Danube, ne peut trouver son point d’équilibre qu’en Hongrie. Il en résulte aussi que la cour de Vienne et la nationalité hongroise ont bien réellement, selon l’expression consacrée, des affaires communes. Enfin l’opinion publique dégage de ces données une induction dont les tendances sont assez conformes à la nature des choses. Elle pressent que dans ces questions de l’Europe orientale l’étroite alliance de la Prusse et de la Russie est inévitable. Ce pressentiment paraîtra fondé à tous ceux à qui est connue l’histoire militaire et diplomatique de la Russie et de la Prusse depuis bientôt un siècle et demi. Frédéric II a fait entrer dans le sang prussien le principe de l’alliance russe, dont il s’est si utilement servi pour lui-même en Allemagne et en Pologne, et qu’il a si fidèlement servie à son tour dans les intrigues polonaises et dans sa diplomatie à Constantinople. Ces traditions, affermies par des solidarités séculaires, ont, il ne faut pas s’y méprendre, une robuste vitalité. Elles se fortifient encore des alliances souveraines, dont il n’est pas malheureusement permis de dire que l’efficacité politique soit tout à fait perdue. Nous avons sous les yeux le spectacle brillant du prestige survivant de ces parentés des couronnes dans les voyages qu’a entraînés le mariage du grand-duc héréditaire de Russie avec la princesse Dagmar. Ces noces réunissent comme proches parens et comme amis les héritiers présomptifs de trois grandes monarchies. La France, que ses origines et ses principes révolutionnaires mettent en dehors de cette coterie étroite des vieilles familles royales, la France, qui ne peut attendre ses alliances sincères et solides que des intérêts et des sympathies des peuples, devrait, à la vue de ces rapprochemens et de ces intimités dynastiques, faire un retour sur elle-même, et se rappeler qu’elle ne peut maintenir son rang qu’à la condition d’être un peuple libre et en mesure de présenter ses institutions intérieures à l’envie, à l’admiration, à l’imitation du monde.

L’influence de la France sur les négociations qui ont abouti au traité de Prague a eu deux effets visibles, le maintien du royaume de Saxe et la stipulation qui réserve la restitution de la partie septentrionale du Slesvig au Danemark, si elle est sanctionnée par le vote des populations. Le discours prononcé par le roi de Danemark à l’ouverture du parlement vient de rap-