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sance civile et militaire qu’au bruit des tambours et d’une musique guerrière le premier consul, suivi de ses deux collègues à peine aperçus à ses côtés, fut reçu sous le dais à l’entrée de la nef de l’église métropolitaine par le nouvel archevêque de Paris et les évêques déjà consacrés. L’attitude de l’énorme assistance qui remplissait jusqu’au comble les galeries du pourtour de l’immense vaisseau de Notre-Dame n’était point différente de celle qui avait accueilli au dehors le passage du cortège. Les témoignages du temps s’accordent à reconnaître qu’elle tenait plus de la curiosité que de tout autre sentiment. Comme il arrive d’ordinaire en pareille circonstance, l’attention prêtée aux détails de la cérémonie suffisait de reste à faire à peu près oublier à la plupart des spectateurs la gravité de l’événement qu’elle avait pour but de célébrer. Loin de nous la pensée que l’indifférence pour le concordat qui venait d’être conclu entre l’église romaine et le gouvernement français fût alors générale ; encore moins voudrions-nous prétendre qu’il ait été reçu sans reconnaissance par la masse entière des catholiques. Non sans doute, et dans Notre-Dame même, au milieu du tumulte de la foule, plus d’un fidèle agenouillé dans l’ombre de quelque chapelle obscure aura trouvé moyen d’élever pieusement son âme à Dieu pour le remercier avec une joie sincère de l’accord inattendu qui venait de s’établir entre le chef de la vieille foi religieuse et le représentant actuel de cette France moderne qui l’avait naguère encore si cruellement persécutée. La même confiance dans un avenir qui leur semblait devoir combler leurs plus chères espérances animait, nous le croyons sans peine, et le légat qui officiait en ce jour, et les évêques appelés à prêter serment entre les mains du premier consul. Ce fut elle aussi, et non un vain besoin d’adulation, qui inspirait M. de Boisgelin, ancien archevêque d’Aix, nommé à l’archevêché de Tours, lorsque, le premier parmi ses collègues, il parla du haut de la chaire de la mission providentielle de Napoléon, invoquant par avance ces souvenirs de Pépin et de Charlemagne dont les noms devaient désormais retentir si souvent à ses oreilles. Cependant si l’honnête légat et ses pieux acolytes n’avaient pas été uniquement absorbés par leurs saintes fonctions, si l’orateur sacré n’avait pas été tout entier à l’effet qu’il attendait de son éloquente harangue, un coup d’œil jeté sur le groupe des personnages officiels qui environnaient de plus près l’autel eût suffi pour leur faire comprendre à quel point serait précaire cette alliance intime entre l’église et l’état qu’ils appelaient alors de tous leurs vœux. Ils en auraient pu pressentir la fragilité en remarquant le dédain affiché des membres du conseil d’état, la légèreté moqueuse des officiers et l’insouciante distraction de tous. Ils auraient pu la lire surtout sur la physionomie de celui qui