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sonnel, le cardinal est presque au moment de s’apercevoir que si le premier consul, comme il s’en vantait tout à l’heure, a beaucoup fait pour la pompe du culte et plus encore pour l’avancement de sa propre fortune, il s’en faut qu’il ait autant fait pour la religion.

Cependant une semblable disposition d’esprit était trop opposée à la pente naturelle de son caractère pour durer longtemps chez le représentant du saint-siège. De nouvelles et sérieuses difficultés allaient, après la publication du concordat, le remettre en présence du premier consul et par conséquent sous son charme; cette fois encore il était destiné à tout céder. C’est à peine en effet si les pompeuses solennités dont nous avons cherché à reproduire la véritable physionomie avaient un instant détourné la pensée toujours active de Napoléon de la portion vraiment épineuse de la tâche qu’il s’était imposée en mettant la main aux affaires de l’église. Il ne s’en dissimulait en aucune façon les embarras, sans peut-être les prévoir encore tous. Là comme ailleurs il ne désespérait point, grâce à son invincible résolution et à son ardeur infatigable, de pouvoir imposer en peu de temps la réconciliation entre les partis, l’ordre, la paix, et cette stricte discipline qui lui plaisait si fort partout, mais qui ne lui apparaissait nulle part mieux à sa place que dans les rangs du clergé. Il avait pour cela imaginé avec les meilleures intentions du monde un système qui lui semblait propre à atteindre vite et complètement un résultat si désirable. Les évêques constitutionnels devaient être tenus de choisir comme premier grand-vicaire un prêtre qui n’aurait point adhéré à la constitution civile du clergé. Aux évêques restés fidèles à la communion de l’église romaine, il entendait imposer la nomination d’un ecclésiastique qui aurait prêté le serment. L’exécution de cet ordre ne rencontra point d’opposition de la part des évêques constitutionnels; jamais ils n’avaient traité de schismatiques les prêtres insermentés; les plus obstinés s’étaient bornés à prendre pour premier grand-vicaire quelque vieillard faible ou incapable auquel ils n’avaient laissé que des fonctions purement honoraires. Ils avaient confié la direction des affaires véritablement importantes à des vicaires de leur choix naturellement portés à favoriser les curés qui partageaient leurs principes. Il s’en fallait de beaucoup à coup sûr que ces diocèses fussent tout à fait paisibles; mais dans ces diocèses c’étaient les partisans de l’ancien état de choses qui étaient seuls à se plaindre, à récriminer, à faire entendre de vives protestations. Le premier consul, qui, à tort ou à raison, se défiait extrêmement de cette fraction du clergé et favorisait ouvertement le parti constitutionnel, n’en prenait nul souci.

C’était le contraire qui se passait au sein des sièges épiscopaux dont les titulaires étaient restés dans la communion du saint-père. La plupart s’étaient montrés très faciles à l’égard de leurs subor-