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donnés constitutionnels; quelques-uns, en bien petit nombre, ne l’étaient pas autant, et tous se sentaient gênés dans leur désir sincère d’obéir au premier consul par l’attitude que le Vatican et son représentant à Paris avaient prise dans la question du choix des évêques, et que le pape et le légat maintenaient encore au sujet des ecclésiastiques du second ordre. Aux yeux du saint-siège, les uns et les autres avaient gravement erré en matière de foi. Pour les simples prêtres comme pour les évêques, une rétractation était donc nécessaire; tout au moins fallait-il qu’avant de reprendre leurs fonctions ils fussent réconciliés avec l’église. La formule de cette réconciliation, rédigée en termes mesurés et qui paraissaient à peine suffisans aux exagérés du parti ultramontain, avait été envoyée de Rome au cardinal légat et communiquée par ce dernier aux évêques de France avec injonction de la présenter aux anciens prêtres assermentés. Plusieurs l’avaient souscrite sans réclamation; mais le plus grand nombre, assurés d’avance de l’appui du gouvernement, s’y étaient refusés, et réclamaient énergiquement auprès du premier consul contre ce qu’ils appelaient une odieuse persécution. On le voit, un second conflit tout pareil à celui qui avait précédé la publication du concordat surgissait derechef entre l’église et l’état sur une de ces matières où la puissance spirituelle se disait obligée par conscience à maintenir son droit, et dans laquelle, par des considérations politiques dont la valeur était incontestable, le gouvernement nouveau de la France se croyait non moins fondé à prononcer en dernier ressort. Le premier consul était dans cette occasion d’autant plus impatienté de voir les membres du clergé de France séparés en deux camps opposés, que, si tout d’abord, avec sa merveilleuse sagacité et son facile mépris des hommes, il découvrait les petites passions qui dominaient chez un trop grand nombre, il ne lui était peut-être pas donné de saisir aussi bien par quelles fibres délicates cette dissidence religieuse, si peu importante à ses yeux, se rattachait à l’essence même de la foi catholique, et devenait, pour ceux qui font profession de reconnaître dans l’évêque de Rome le dépositaire le plus auguste de l’autorité divine, une question de dogme et de salut. Contempteur assez dédaigneux de la conscience humaine, toujours surpris et irrité quand il la rencontrait dans les affaires de l’état comme un obstacle à ses volontés, il cessait absolument d’admettre et peut-être de comprendre les scrupules raffinés que, dans ce domaine autrement élevé et susceptible de la conscience religieuse, des âmes pieuses et fières opposaient à l’exécution des mesures qui lui paraissaient sages et bonnes. Il prêchait donc la réconciliation et la paix aux ecclésiastiques à peu près comme un colonel recommande la concorde et le bon ordre aux officiers de