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juridiction de l’autre côté du Rhin. Cependant, laissant de côté toute susceptibilité et ne s’appliquant qu’à tâcher d’aplanir les embarras trop réels que lui causait la prétention du premier consul, prétention excessive, mais qui semblait elle-même une preuve de ses favorables dispositions à l’égard du saint-siège, le pape, par l’intermédiaire de son habile et conciliant secrétaire d’état, s’adressa avec confiance aux autres puissances étrangères, quoiqu’il les sût jalouses au fond des égards si multipliés que le saint-siège avait depuis peu pour le chef du gouvernement français. Consalvi n’hésita pas à demander et obtint des ministres de ces différentes cours qu’elles se désisteraient en faveur de la France du droit qu’elles avaient de nommer prochainement un cardinal[1]. Juste au moment où, cette concession préalable obtenue, le saint-père venait d’accorder les chapeaux demandés, le premier consul, comprenant qu’il s’était peut-être fourvoyé dans la forme donnée à sa première réclamation, écrivait à M. de Talleyrand une seconde lettre qui ouvrait la voie à une sorte de transaction; mais, comme s’il ne pouvait s’empêcher de demeurer blessant, alors même que la droiture naturelle de son esprit le faisait rentrer dans la modération et le bon sens, il ajoutait en finissant : « Je désire que vous fassiez connaître ce mezzo termine au citoyen Cacault, pour lui servir de règle dans le cas où l’embarras du pape pour la nomination des cardinaux ne serait pas feint, mais existerait réellement[2]. »

Cette méfiance gratuite, qui tombait si mal à propos, ne pouvait manquer de chagriner profondément le saint-père. Elle eut surtout pour effet de le mettre sur ses gardes et de lui inspirer de premiers soupçons sur les véritables intentions d’un homme qui n’en voulait jamais supposer de bonnes à personne. Napoléon était en instance pour obtenir du saint-père en faveur de l’Italie un concordat qui ne fût pas trop différent du concordat français. Il voulait absolument traiter cette affaire avec Caprara. Pie YII, qui avait appris à connaître la faiblesse de son représentant à Paris, aurait souhaité un autre intermédiaire. Cela eût été trop difficile; il se résigna, après quelques hésitations, à envoyer au cardinal les pouvoirs nécessaires. Cependant il voulut prendre au moins ses précautions, afin, dit Consalvi, d’empêcher cette fois qu’à l’aide de lois organiques ou de quelque autre moyen on ne réussît à battre en brèche le nouvel édifice aussitôt qu’il serait élevé[3]. Il tint donc la main à ce qu’on y insérât un article très net par lequel il fut stipulé qu’on ne pour-

  1. Dépêche circulaire de Consalvi aux nonces de Vienne, de Madrid et de Lisbonne, 22 juillet 1802.
  2. Correspondance de Napoléon Ier, 25 juillet 1802.
  3. Mémoires de Consalvi, t. II, p. 380.