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Le cardinal avait sans doute raison de conseiller un arrangement sur la question des dispenses ; mais en quoi il se trompait, c’est en supposant que cette concession empêcherait le gouvernement français de pousser trop rudement la cour de Rome sur la question soulevée par la faculté du divorce reconnue et réglée dans le code civil français. La circulaire de M. Portails, que nous avons déjà citée, ne laissait aucun doute sur les intentions du gouvernement. On y lisait : « Le divorce est admis par la loi civile. Il serait donc aussi injuste qu’imprudent de refuser la bénédiction nuptiale à tous ceux qui contracteraient un second mariage après un divorce[1]. »

Après les questions qui par leur nature touchaient directement au dogme, il nous est impossible de ne pas dire aussi un mot de la manière dont le premier consul, pendant la période consulaire assez courte qui précéda le sacre, se comporta envers le corps si nombreux du clergé catholique. La façon d’en user avec les personnes est le meilleur indice des sentimens qu’on leur porte, et la correspondance de Napoléon Ier nous fournit à cet égard les élémens d’une saine appréciation. Ainsi que nous l’avons déjà raconté, il était porté à favoriser extrêmement les prêtres constitutionnels ; nous en avons donné la preuve. Les lettres dans lesquelles il prend parti pour eux et veut les imposer de force aux évêques qui répugnent à les employer dans leur diocèse sont si fréquentes qu’il serait fastidieux de les citer toutes. Quant aux prêtres restés en communication avec le saint-siège, s’ils ne lui ont pas donné ce qu’il appelle des gages particuliers de leur dévouement, il entretient à leur égard une incurable défiance, particulièrement à l’endroit de ceux qui sont sortis de France. Ce n’est pas tant à la correspondance de ses préfets qu’aux rapports des agens de sa police et surtout des officiers supérieurs de la gendarmerie qu’il s’en remet pour apprécier la conduite des évêques et des curés de France. « Je vous envoie, citoyen conseiller d’état, écrit-il à M. Portails, une note que me fait passer l’inspecteur de la gendarmerie sur l’évêque de Rennes (M. de Maillé). Mon intention est que vous lui écriviez qu’il est temps que cela finisse, qu’il est coupable d’avoir ôté sa place à un constitutionnel et de l’avoir remplacé par un prêtre nouvellement rentré sans ma permission… Si la morale de l’Évangile n’est pas suffisante pour retenir ses passions, il doit agir par politique et par crainte des poursuites que le gouvernement pourrait faire contre lui, comme perturbateur de la paix publique. Écrivez à l’évêque de Clermont (M. de Dampierre) dans un style moins dur… Son diocèse est rempli de prêtres constitution-

  1. Circulaire de M. Portails, 10 prairial an X. (juin 1802).