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Rome avait été fortement agitée, de façon à indisposer le souverain pontife contre la négociation. Le roi de Naples, comme votre excellence le peut croire, voyait dans une heureuse issue un coup porté à ses prétentions. L’ambassadeur d’Autriche la combattait avec prudence, mais vivement. Le parti réactionnaire, conduit par M. de Mérode, faisait tout ce qui lui était possible pour alarmer sur les conséquences d’un arrangement et pour le faire échouer. Même beaucoup des évêques nommés par sa sainteté, qui résident à Rome, voyaient avec peine un changement de résidence, et employaient leur influence dans le sens que je dis... » Quand tout fut perdu, le pape, dit-on, laissa échapper ce mot où perçait peut-être plus qu’un regret : « Ah! on m’a gâté cette affaire! » Il reçut encore M. Vegezzi avec une aimable bienveillance, comme si rien n’était fini, gardant l’arrière-pensée qu’ils devaient se revoir.

Pour le moment, cette négociation était suspendue; elle échouait dans son objet direct et immédiat; mais elle avait révélé subitement qu’entre la papauté et l’Italie la distance était bien moins grande qu’on ne croyait, que Pie IX, par une inspiration généreuse, pouvait échapper à tous les conseils de réaction. Même dans cette question du serment, sur laquelle venait se briser la négociation, la cour de Rome, il faut le dire, n’avait montré qu’une inflexibilité apparente, toute de droit en quelque façon. « Le saint-siège, disait-on, entend que les évêques soient obéissans et fidèles au roi, qu’ils l’aiment, le respectent et l’honorent; il désire qu’ils soient soumis à l’autorité, et qu’ils s’abstiennent de se faire les chefs ou les complices de contre-révolutions. Les évêques sentent que c’est là leur devoir, et le saint-siège ne ferait aucune difficulté, s’il le jugeait utile, de le leur rappeler et inculquer de nouveau. » Voilà bien du chemin fait en peu de temps, ce me semble. Cette mission Vegezzi a laissé voir une chose plus grave, d’une conséquence extrême au point de vue de la situation générale et de ce pouvoir temporel dont les destinées s’agitent aujourd’hui. Certes le pape a parlé bien des fois depuis six ans; il a parlé dans un intérêt politique, et sa parole se perdait alors dans le vide, ne troublait personne en Italie. Le jour au contraire où, laissant de côté cet intérêt politique, il se présentait uniquement comme chef de la religion, cette simple initiative faisait courir comme un frémissement au-delà des Alpes. C’est la réalisation d’un mot de M. Boncompagni. « Lorsque le pape revendique un intérêt vraiment spirituel et religieux, il lui arrive ce que les anciens rapportent d’Antée : fils de la terre, il ne recouvrait sa force qu’en touchant la terre. » Je retiens le fait : la papauté retrouve sa force, lorsque, réduite dans son domaine terrestre, elle se fixe sur l’intérêt religieux, et par cet