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que son influence avait baissé, que ses violences l’avaient discrédité, que le veto présidentiel avait perdu son prestige. Cet homme si arrogant, si confiant dans l’assentiment populaire, sentait peu à peu l’opinion se retirer de lui. De leur côté, les radicaux s’adoucissaient de plus en plus, comme pour mieux faire ressortir l’intempérance du président. On était déjà loin du temps où MM. Sumner et Wilson proposaient au sénat de voter simplement l’admission immédiate des noirs au droit de suffrage et leur admissibilité à tous les emplois. Le comité de reconstruction, après bien des enquêtes, avait rédigé un amendement nouveau que le congrès passa trois semaines à adoucir avant de se résoudre à le voter. Quel était donc cet amendement si terrible, et quelles cruautés exorbitantes imposait-il aux états du sud avant de les admettre dans l’Union? Il était divisé en quatre sections contenant chacune une des conditions tyranniques imaginées par ce congrès révolutionnaire pour anéantir toutes les libertés. La première section conférait à toute personne née ou naturalisée aux États-Unis le titre de citoyen des États-Unis, et interdisait aux états séparés de faire chez eux aucune loi qui privât ces personnes des droits et des libertés civiles attachés au titre de citoyen. Ce n’était qu’une répétition de ce bill des droits civils dont nous avons si pleinement reconnu la justice, mais dont les préjugés des tribunaux du sud et la mauvaise volonté du président avaient rendu les dispositions impuissantes. Tout le monde savait que dans la cour de circuit d’Alexandrie, en Virginie, un plaideur invoquant le témoignage d’un noir affranchi avait été repoussé au nom de la loi virginienne, qui n’admet le témoignage des noirs que dans les affaires où ils sont intéressés eux-mêmes. Un mariage légalement contracté dans l’Ohio par deux personnes de couleur différente avait été annulé dans le Kentucky et frappé d’une amende au mépris de la loi. Il en était de même dans tous les états rebelles. Comment le congrès, alarmé de tant d’obstination, n’aurait-il pas songé à mettre le principe de l’égalité civile sous la sauvegarde plus sûre du respect qui entoure encore la constitution fédérale?

La deuxième clause de l’amendement était relative à la représentation des états. Elle stipulait que le nombre des députés serait fondé désormais sur le nombre des citoyens mâles investis du droit de vote, et que, sauf le cas d’exclusion pour la participation à la rébellion ou tout autre crime, les états ne pourraient priver une classe de citoyens du suffrage sans diminuer en proportion leur représentation dans le congrès. Cette mesure, analogue à celle du premier amendement présenté par M. Stevens, en différait en ce qu’elle n’attachait pas la diminution du nombre des députés au cas particulier de l’exclusion pour cause de race ou de couleur.