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pecte, à cette école de Schaffouse qui essaie de réhabiliter les Tilly, les Wallenstein, les pillards et les égorgeurs de la guerre de trente ans. Quant au savant M. d’Arneth, l’historien si complet de Marie-Thérèse, qui puise à pleines mains dans les archives de Vienne et qui n’est embarrassé, on le voit de reste, par aucun sentiment de piété nationale à l’égard du héros du nord, il n’est pas encore arrivé dans son histoire à la période qui nous occupe.

Eh bien ! ce que nul Allemand n’a fait, M. de Vitzthum va essayer de l’accomplir. Il a en main les dépêches secrètes du cabinet saxon. La Saxe, grâce au riche appoint de la couronne de Pologne, était un des centres de la politique européenne au XVIIIe siècle. La Prusse et l’Autriche, se disputant son amitié, cherchaient à l’attirer dans leur orbite. Le roi de France avait marié le dauphin à une fille d’Auguste III. Que d’affaires, que de confidences auxquelles était initié le gouvernement de ce pays placé au cœur de l’Allemagne ! Si le comte de Brühl, ministre du roi Auguste, était un pauvre homme d’état, c’était du moins un factotum qui classait soigneusement ses papiers ; toute sa correspondance est là. M. de Vitzthum possède en outre des souvenirs de famille qui intéressent l’histoire : ce sont les lettres de son aïeul le lieutenant-général Jean-Frédéric comte Vitzthum d’Eckstädt, grand personnage mêlé à de grandes affaires ; ce sont aussi certains mémoires du maréchal Rutowski, un des fils naturels du roi Auguste II, le frère de Maurice de Saxe. Muni de ces documens, M. de Vitzthum entreprend de contrôler les rapports de Frédéric avec la Saxe, avec l’Autriche, avec l’Europe entière, en ces heures décisives qui ont précédé la guerre de sept ans.

Quelles sont les conclusions auxquelles l’auteur s’efforce de nous conduire ? Quelle est la thèse laborieusement développée de la première à la dernière page de ces deux volumes ? En peu de mots, la voici : le traité de Westphalie avait consacré tous les droits sans diviser l’empire, il avait établi la liberté de conscience et fait une part équitable à chacune des communions chrétiennes sans porter atteinte à la communauté germanique. Cent ans après, ce grand ordre de choses est attaqué par des factieux ; un crime est commis contre l’empire, c’est-à-dire contre l’unité nationale, et à dater de ce moment commence le dualisme dont les dernières conséquences bouleversent aujourd’hui l’Allemagne. Quel est l’auteur du crime ? Frédéric II. Souverain d’un petit état, il ne pouvait s’attaquer à l’empire qu’en appelant l’étranger sur le sol de la patrie. Il n’a pas reculé devant cette trahison. Trois fois dans sa longue carrière, aux trois époques décisives de ce règne glorifié par les flatteurs, il a jeté sur l’Allemagne les armées étrangères. La France d’abord, l’Angleterre ensuite, la Russie enfin, l’ont aidé tour à tour à détruire une partie de l’édifice impérial.