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pectueux ménagemens, on ne mettra nul obstacle au départ de l’électeur pour son royaume de Pologne, où l’appelle l’ouverture de la diète, des ordres seront donnés en Silésie pour que le royal voyageur trouve partout les relais de poste dont il aura besoin. M. de Bulow transmet immédiatement ces étonnantes nouvelles au chef du cabinet saxon et termine sa dépêche par ces paroles : « M. le comte de Podevils finit par me dire que, comme cette marche involontaire, ce transitus innoxius ne devait donner aucunement atteinte à l’amitié et bonne intelligence entre ces deux cours, le roi son maître l’avait chargé en particulier de me donner l’assurance que je pourrais continuer mon ministère en toute tranquillité, et qu’on aurait toujours pour moi la considération attachée à mon caractère public. Je me suis contenté de réserver le rapport de ce propos inattendu, puisque toute réplique aurait été inutile… » Bien inutile en effet. Dès le lendemain, 29 août, un escadron de hussards prussiens entrait en pleine Saxe, à Leipzig, et le colonel annonçait à la ville qu’elle aurait à recevoir huit bataillons d’infanterie, deux régimens de grenadiers, deux escadrons de hussards, six ou huit cents chevaux des trains d’artillerie. Quelques heures après le prince Ferdinand de Brunswick, commandant de ce corps d’armée, arrivait à l’hôtel de ville, et tenait au conseil assemblé ce discours sans ambages : « Je suis venu ici par l’ordre de sa majesté le roi de Prusse, avec les troupes que vous allez recevoir. Le roi promet sa gracieuse bienveillance au conseil et à toute la bourgeoisie, espérant que ses troupes seront logées et nourries comme il convient. » Le prince ajouta, en s’adressant à une députation de marchands, que les droits de commerce, quels qu’en fussent la nature et le nom, ne seraient plus désormais payés au roi de Pologne. « C’était, s’écrie M. de Vitzthum, c’était ce même prince devenu alors duc régnant de Brunswick que la Némésis devait atteindre en personne un demi-siècle plus tard, le jour où il tomba sur le champ de bataille d’Iéna, après avoir vu périr dans ses mains l’armée et le royaume de Prusse. »

Informé de l’irruption des Prussiens, le roi de Pologne croit sauver les apparences en accordant ce qu’on a oublié de lui demander. Auguste III savait déjà que l’armée prussienne foulait le sol saxon quand il écrit à Frédéric : « Monsieur mon frère, le ministre de votre majesté à ma cour, venant de faire la réquisition pour le passage de ses troupes par mes états pour aller en Bohême, je l’ai accordé, espérant que votre majesté fera observer une exacte discipline. Aussi ai-je envoyé vers votre majesté mon lieutenant-général et commandant du corps de Suisses sieur de Meagher pour mieux concerter tout ce qui est relatif à cette marche et en régler l’exécution… » Cette lettre est du 29 août ; le soir même, M. de