Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 66.djvu/903

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en se baignant dans le sang du dragon, et en même temps il a conquis la Tarnkappe, la chape magique qui rend invisible. C’est le renom de beauté et de dédain de Kriemhilt qui l’attire, et en dépit des allures passablement provocantes du nouveau-venu, malgré les répugnances de Hagene, qui, dès cette heure, lui voue une haine profonde, Gunther et ses frères le reçoivent en ami, mettant leur royaume à sa disposition. Peu de temps après, Siegfrid reconnaît leur hospitalité en les défendant victorieusement contre une formidable invasion des Sahsen (Saxons) et des Danes (Danois). Ces prouesses ne font qu’augmenter l’inclination de Kriemhilt pour le jeune prince, qui la paie de retour ; mais Gunther veut mettre à profit la vaillance et la force exceptionnelle de Siegfrid. Il lui donnera sa sœur à la condition qu’il l’aidera lui-même à conquérir la superbe et farouche Brunhilt (Sigurdrifa, Brynhild scandinave), reine-vierge islandaise, d’une force indomptable et dont celui-là seul deviendra l’époux qui la vaincra en combat singulier dans trois épreuves consécutives. Malheur aux vaincus ! ils ont la tête tranchée, et jusqu’à présent tous ceux qui se sont présentés ont payé leur témérité de leur vie. Le prince burgonde et son ami se rendent donc en Islande avec une suite pompeuse. La reine, dès le premier moment, jette sur Siegfrid un regard complaisant. Que n’est-il son prétendant ! Mais ce prétendant est Gunther, et Gunther serait vaincu dans les épreuves proposées par la robuste reine, si son ami Siegfrid, invisible grâce à la Tarnkappe, ne lui prêtait le secours de son bras invincible. Brunhilt doit donc s’avouer vaincue ; cependant un vague soupçon et le dépit de s’être laissé vaincre par un prince qu’elle n’aime pas font qu’elle retarde son départ sous prétexte de prendre congé de ses sujets, ce qui amène à son burg une foule de guerriers. Les Burgondes craignent un guet-apens. Siegfrid se rend alors au pays des Nibelungen, dont il est le maître et seigneur ; mais, afin de se battre une fois de plus dans sa vie, il y arrive déguisé et reconquiert à nouveau le trésor avant de se faire connaître. Après cela, il équipe mille guerriers Nibelungen au moyen de ce trésor merveilleux qui se renouvelle à mesure qu’on l’épuise et revient à la tête de sa troupe en Islande.

Son retour décide Brunhilt à se soumettre. On revient en triomphe à Worms, et le poète allemand n’a pas sur sa lyre assez de cordes pour chanter les fêtes, réjouissances et festins qui précédèrent les noces simultanées de Siegfrid et de Kriemhilt, de Gunther et de Brunhilt.

Cependant le lendemain des noces, et comme les deux couples allaient faire sanctionner à l’église leur union accomplie, Siegfrid, au comble du bonheur, remarque l’air contraint, mélancolique de