Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 66.djvu/905

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’approche de Hagene. Cependant Gunther ne peut ni ne veut lui infliger le châtiment qu’il mérite, et la malheureuse veuve mène solitairement son deuil pendant trois ans et demi ; après ce laps de temps, elle se réconcilie à moitié avec ses frères. Hagene a persuadé à Gunther de se prêter à cette réconciliation, afin de décider Kriemhilt à faire venir dans le pays le trésor des Nibelungen, qui lui appartient à titre de dot ou Morgengabe. Déjà l’on peut pressentir que Kriemhilt nourrit en son cœur le projet d’une vengeance terrible. Au moyen du trésor, qu’elle a fait venir et dont elle garde la possession, elle se fait des amis en si grand nombre que le soupçonneux Hagene se défie, s’empare du trésor et le cache dans le Rhin, près de Loch. Kriemhilt désespérée voulait se renfermer dans un monastère lorsque le roi des Huns, Etzel (Attila), devenu veuf, la fait demander en mariage. Kriemhilt résiste longtemps et ne cède que lorsque le vieux Ruediger de Pechlarn, l’ambassadeur d’ Etzel, lui insinue que, par son mariage, elle trouverait le moyen d’assouvir sa soif de vengeance.

Sept ans se passent, et Kriemhilt est devenue complètement maîtresse du cœur et de la volonté d’Etzel. C’est à son instigation qu’Etzel envoie aux princes burgondes l’invitation de se rendre à sa cour. Hagene se défie encore, mais l’honneur chevaleresque ne permet pas à des guerriers de reculer sur de simples soupçons, et ils partent escortés par mille cavaliers.

Le poème décrit ensuite longuement les incidens du voyage, la traversée du Danube, la rencontre de Hagene sur les bords du fleuve avec une ondine ou fille des eaux qui lui prédit la catastrophe qui l’attend (ce qui, conformément à la vieille poétique, ne l’empêche pas de poursuivre sa route), l’arrivée sur les terres de Ruediger, qui héberge magnifiquement ses hôtes et donne sa fille en mariage au jeune Gîselher, l’arrivée de Dietrich de Bern (Théodoric de Vérone) avec ses cavaliers, les premières rencontres avec Kriemhilt, qui essaie à plusieurs reprises de faire tuer les Burgondes, mais voit toujours ses plans échouer devant les précautions et le courage de Hagene et de son ami Volkêr, le ménestrel, qui se sert de son archet comme d’une massue. Les Huns intimidés n’osent attaquer en face les princes Nibelungen. Hagene, toujours plus insolent, se montre à Kriemhilt l’épée de Siegfrid à la main, et lui avoue effrontément qu’il l’a assassiné pour venger sa suzeraine Brunhilt. C’est en vain que Kriemhilt cherche de tous côtés des champions. Ce n’est qu’à force de promesses qu’elle décide le seigneur Blœde, frère d’Attila, à entrer en lice, et il est tué par Dankwart, frère de Hagene. Les Huns exaspérés se ruent sur la suite des princes burgondes et massacrent leurs serviteurs, tandis qu’Etzel,