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autant que par le testament de la comtesse Mathilde, par les brefs des papes ou par la bonne volonté des souverains. Au jour marqué, sa liberté a dû commencer non par un cadeau bénévole ni par une espèce d’oubli, comme si après un long sommeil elle s’était tout d’un coup réveillée à l’état de municipe romain, mais par l’or ou par le fer, plus probablement par tous les deux, non à la manière antique par l’expulsion de je ne sais quels Tarquins, mais suivant la coutume et le droit du temps, se rangeant à son tour à un certain degré de l’échelle féodale. Ce n’est pas tout, si nous pensons que Florence doit surtout à elle-même d’avoir été libre et grande, ne faut-il pas admettre aussi cette vérité moins flatteuse, qu’elle a dû jusqu’à un certain point succomber par sa faute? Certes les révolutions qui l’ont déchirée ne sont pas une contagion venue du dehors; les luttes acharnées des guelfes et des gibelins ressemblent à une maladie endémique dont le germe était dans Florence comme dans les autres communes. Elles ont été favorisées par la papauté et par l’empire, mais comme une guerre civile dans un état est nourrie par les puissances étrangères. Empereurs et papes ont bien souvent essayé de guérir ce mal; la cité malade a toujours persisté à se déchirer elle-même. Lorsque la dernière heure de la liberté a sonné, sans doute l’accord de Charles-Quint et de Clément VII a perdu Florence; mais les Florentins avaient tué eux-mêmes et depuis longtemps la liberté, ou plutôt ce qu’ils avaient sous ce nom était un pouvoir qu’ils se disputèrent comme une proie jusqu’au moment fatal où une famille mise hors de pair par les événemens la leur enleva sans retour.

Nous avons indiqué en termes généraux les exagérations des deux écoles rivales. L’éclat de certains noms tels que ceux de Troya, de Balbo, de Manzoni, la juste renommée d’écrivains considérables comme MM. Gino Capponi et Cesare Cantù, plus ou moins engagés dans les opinions néo-guelfes, n’ont rien à souffrir des hyperboles des plumes vulgaires ou du démenti que la politique semble leur avoir donné. J’en dirai autant de M. Giudici; il ne peut porter la responsabilité de tout ce qui a été écrit contre le pouvoir temporel et en faveur d’un gibelinisme exagéré. Sauf quelques passages qui sentent le mot d’ordre d’un parti, il est impossible de dire que M. Giudici manque de modération. Entre l’écrivain anglais, qui n’a aucun grief personnel contre les souverains pontifes, et l’écrivain italien, que sa position même fait ennemi de Rome, c’est encore du côté du second que se trouve l’avantage du respect et de la gravité. Un Italien a beau faire, il ne peut épouser les préjugés du protestantisme. La question du pouvoir temporel est pour lui une querelle nationale; s’il en est l’ennemi, c’est qu’il croit, comme