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Florence devint trop riche. Pour amasser de l’argent, les citoyens cessèrent d’être soldats, et soudoyèrent des troupes dès le commencement du XIVe siècle. Pour jouir de l’argent amassé, ils demandèrent aux Médicis la paix et le repos dans la seconde moitié du XVe. Ces deux périodes marquent les degrés d’affaiblissement de ce tempérament de fer dont le ciel et la rude existence du moyen âge les avaient pourvus. Plus tard, les retours passagers de la république ne furent que des éclairs de fortune. A un certain moment, le défaut d’énergie se trouva d’accord avec les fausses idées sur la liberté. Florence vieillie paya l’erreur de la jeune Florence. Au fond, la liberté florentine n’était autre que l’égalité. Le jour où une famille, à force de richesse, de prudence et de faveurs inouies du sort, le jour où la maison des Médicis, ayant des fils promus à la papauté et des filles mariées à des rois, fut sans rivale dans la république, les Florentins amollis consentirent à vivre dans l’égalité sous le despotisme.

Nous avons suivi, interprété, développé les jugemens de M. Trollope. Est-ce à dire que nous les approuvions tous, et que, les Florentins ayant contribué par leurs fautes à leur ruine, nous les tenions pour bien et dûment condamnés? Non sans doute, les procès que l’histoire instruit pour ou contre les nations ne peuvent se trancher si simplement. Il y a pour le juge un élément de conviction dont M. Trollope n’a pas assez tenu compte : c’est le temps et les circonstances, Pense-t-on que leur venue plus tardive au grand jour de la civilisation n’ait pas servi les Anglais? Est-il indifférent que leur liberté politique soit née de leur liberté religieuse, et que la nécessité pour chacun de choisir sa croyance ait été l’apprentissage du self-government? Négligez ces observations, que reste-t-il pour expliquer les fortunes si diverses des peuples? L’influence secrète, mais inéluctable de la race, la prédestination à la liberté ou à la servitude; il reste une espèce d’histoire naturelle des nations où une critique curieuse, mais sans cœur, sépare et distingue les espèces suivant des types éternels. Ces idées-là trouvent faveur à cause de leur apparence positive, c’est un engouement de notre temps. M. Adolphus Trollope en tient : il croit que les préjugés politiques des Florentins sont plus ou moins partagés par les nations latines; il n’est pas loin de penser même que certaines erreurs de morale sont aussi bien dans leur tempérament que ces erreurs politiques.

Je le reconnais volontiers, les races latines ne semblent pas douées au même degré que le peuple anglais de cette personnalité forte, exclusive, audacieuse même, qui fait les mâles vertus et aussi les défauts rebutans des races du nord. C’est peut-être pour cela