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Milan, de Milan à Gênes, et recommencer ainsi la tournée. De plus M. Giudici s’est particulièrement attaché au récit des événemens généraux coordonné en vue de soutenir la doctrine de l’unité. Il y a gagné des lecteurs en Italie, nous n’en doutons pas. On est peu porté à chicaner le patriotisme accompagné du talent. Pourquoi ne dirions-nous pas que, s’il fallait réduire ce livre aux conditions que le titre semblait poser, nous regretterions plus d’une page éloquente qui n’est pas dans le sujet? Nous perdrions, par exemple, la belle narration, simple et sévère, des derniers momens de la république florentine. Cependant, il faut l’avouer, l’histoire des communes italiennes reste à faire. Peut-être faut-il croire avec M. Villari, dans son remarquable article du Politecnico de Milan, indiqué en tête de notre travail, que toute composition générale sur ce sujet est encore prématurée. Les villes italiennes sont toutes d’anciens états, et des états qui n’ont pas mis l’ordre dans leurs archives.

Pas assez d’ensemble dans l’ouvrage ou un ensemble factice demandé à l’idée de l’unité italienne, voilà ce que je remarque dans la composition du livre de l’Histoire des Communes; trop de pompe, une dignité trop constante, c’est là aussi ce qui me gâte un peu le style de M. Giudici. Les prosateurs italiens, quand ils ne sont pas Toscans, ne peuvent, n’osent peut-être se passer d’être nobles et magnifiques. M. Giudici est Sicilien; on le devinerait au besoin dans quelques chapitres de son Histoire de la littérature italienne, on ne le devinerait pas dans sa manière d’écrire. On écrit de ce ton toujours élevé depuis Turin jusqu’à Palerme. C’est une tradition littéraire : les historiens de ce pays, sauf les écrivains du XIVe au XVIe siècle, se drapent dans une toge à l’antique. La marque moderne manque essentiellement aux prosateurs italiens. Sans doute les historiens anciens sont nos maîtres : une vie, une chaleur admirables circulent dans leurs récits, et c’est là proprement ce qui en fait des modèles éternels ; mais aussi combien il était naturel que l’histoire dans un horizon si borné prît la forme d’un drame ! On se passionne pour Périclès ou contre Cléon, parce qu’ils jouent un rôle qui remplit toute l’histoire de leur temps; mais on reste froid devant les déclamations contre un Ezzelino da Romano, parce qu’il n’a qu’une page dans son siècle, et parce qu’il semble peu naturel qu’un écrivain venu plus de six cents ans après dise de lui que, « s’étalant dans le sang, il croyait dormir sur un lit de roses, » ou, qu’aux yeux d’un tel tyran, « le sang ne tache pas, mais qu’il es une pourpre et un ornement. » A six siècles de distance, ces colère de l’expression ne ressemblent qu’à de la rhétorique. J’aime mieux la froideur tant reprochée à Villani ou à Machiavel.

Ce qui provoque surtout M. Giudici à être orateur un peu plus