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d’Horace, qui par momens entre en danse avec les satyres moqueurs. Certes lord Palmerston était bien loin d’être un grand orateur; mais il n’y avait pas d’orateur plus Anglais. Il était aussi gai, à son aise et de belle humeur devant les communes que cet autre Temple, quand il se promenait le long de ses espaliers, donnant des consultations aux ministres dans l’embarras. Un orateur bien plus éloquent que lord Palmerston, un artiste de la parole, c’était lord Macaulay; mais comme il était moins écouté! Merveilleux savoir, esprit inépuisable, riche imagination, il avait tout, sauf l’imprévu de la causerie anglaise. J’ai entendu dire à un homme d’état de ses amis que Macaulay était un orgue aux mille tuyaux qu’on allait entendre pour la beauté de ses sons. Il avait toutes les notes excepté l’éclat de rire qui repose tout le monde, orateur et assemblée, la pointe d’humour qui fait ressembler l’éloquence anglaise à une libre conversation en place publique.

Il faut bien se mettre au point de vue des mœurs anglaises pour ne pas porter dans cette matière un jugement tout français. Qu’il soit donc permis à un historien anglais d’égayer son récit. Cependant l’histoire ne peut permettre toutes les fantaisies que l’on passe au discours public, et la raison en est qu’en aucun pays l’on n’écrit comme on parle. Le livre, de nos jours, a beau se rapprocher de la conversation, il ne se confondra jamais avec elle; jamais on ne racontera aux générations vivantes les générations qui les ont précédées avec le même sans-gêne que l’on débite, le dos tourné à la cheminée, l’historiette du jour.

En terminant cette étude, nous nous demandions quel historien l’on aurait pu faire de ces deux écrivains, s’il avait été permis de les réunir en un seul. En les mêlant, on corrigerait peut-être le sans-façon moderne de l’un et le classicisme théâtral de l’autre, on joindrait les connaissances étendues de celui-ci à la méthode pratique de celui-là, on ferait avec le premier la part des fautes des hommes et des peuples, avec le second celle des temps et des situations; mais, puisque cela est impossible, faisons par la pensée ce juste tempérament de leurs qualités et de leurs idées diverses ou contraires. Qu’on les mette en regard l’un de l’autre et qu’on les lise ensemble. M. Trollope, autant que M. Giudici, expliquera, chemin faisant, ces noms de dignités et de magistratures dont le sens a changé plusieurs fois avec les siècles, et voilà une première source d’erreurs supprimée. Ce préjugé qui faisait de l’Italie un peuple d’artistes, moins que cela, un peuple de cicérones, qui n’a plus, après l’épuisement de ses écoles de poésie et d’art, qu’à vivre du produit de sa vieille littérature et de ses musées, MM. Giudici et Trollope le battront également en brèche, l’un avec l’éloquence de son patrio-