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créa définitivement les postes. L’édit est du 19 juin 1464. — Un grand-maître, nommé par le roi, eut sous sa direction des maîtres coureurs royaux ayant à peu près les attributions des maîtres de poste. Le service était fait par deux cent trente courriers. Toute cette administration nouvelle était aux gages du roi, qui, pour subvenir à ces frais considérables, frappa la nation d’un impôt de 3 millions de livres. Dans le principe, les courriers ne portaient que les lettres du roi ; mais, autant par tolérance que par nécessité, de spécialement royal qu’il était, ce service ne tarda pas à devenir administratif, sous l’expresse réserve que les lettres avaient été lues et ne contenaient rien qui pût porter préjudice à l’autorité royale. Du reste Louis XI n’était pas homme à négliger un tel moyen d’informations, surtout au moment où la guerre du bien public allait s’ouvrir. Nominalement réservées au roi, les postes pendant longtemps (jusqu’en 1630) ne servirent qu’à ses officiers, à ses ambassadeurs en pays étrangers, à ses délégués dans les provinces, ou à des particuliers, voyageurs de distinction, qui obtenaient l’autorisation d’en faire usage. Le reste de la nation employait les nuntii volantes de l’université, qui transportaient non-seulement les correspondances, mais aussi les voyageurs et les défrayaient en route, à prix convenu, à peu près de la même façon que les vetturini le font encore actuellement dans les provinces italiennes qui ne sont point pourvues de voies ferrées.

En lisant dans Brantôme la vie du maréchal « d’Estrozze » (Strozzi), on peut voir ce qu’était un maître-général des postes, à Paris, sous Henri III. Brusquet, dont « il faut dire que ç’a esté le premier homme pour la bouffonnerie qui fut jamais, ny sera, et, n’en desplaise au moret de Florence, fut pour le parler, fut pour le geste, fut pour escrire, fut pour les inventions, bref pour tout, sans offenser ny desplaire, » Brusquet avait une centaine de chevaux dans son écurie, et « je vous laisse à penser le gain qu’il pouvoit faire de sa poste, n’y ayant point alors de coches, de chevaux de relays, ny de louage que peu, comme j’ay dict, pour lors dans Paris, et prenant pour chasque cheval vingt solz, s’il était françois, et vingt-cinq s’il estoit espagnol, ou autre estranger[1]. » Henri III, pressé par des besoins d’argent, refusa de reconnaître à l’université le droit de messageries, à moins qu’elle ne prît et payât licence. La vieille institution regimba ; jalouse de ses privilèges, elle défendit celui-ci à outrance, et n’en fut pas moins condamnée à de fortes amendes, que Henri IV, qui voulait se mettre bien avec tout le monde, lui fit restituer en 1597. Sully, qui fut un homme univer-

  1. Brantôme, éd. Monmerqué, t. Ier, p. 450 et suiv.