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point écouté. Les sous-seings furent maintenus, et ils existent si bien aujourd’hui qu’ils ont dépassé en 1865 le chiffre de 100 millions d’objets pesant ensemble plus de 7 millions de kilogrammes, qui, taxés selon le droit commun, auraient rapporté la somme approximative de 56 millions de francs. En vérité c’est trop.

De cette franchise, qui dans le principe ne devait appartenir qu’au seul souverain, tous les dépositaires, tous les représentans de l’autorité ont demandé leur part. Aujourd’hui cent vingt mille fonctionnaires correspondent franco avec leurs supérieurs, leurs subordonnés et leurs collègues. Toutes les sociétés de bienfaisance, tous les comices agricoles, toutes les compagnies savantes harcèlent l’administration de demandes et réclament à hauts cris ce bienheureux droit de sous-seing qui embarrasse le service, grève le budget, fatigue les employés et menace de tout envahir. Ai-je besoin de dire que la poste refuse de se plier à ces exigences sans cesse renouvelées, repousse ces prétentions que rien ne justifie? Elle a eu à lutter sérieusement contre quelques très hauts fonctionnaires qui voulaient envoyer à l’abri de la taxe les invitations à dîner qu’ils adressaient à leurs amis. La poste a beau se défendre, elle est débordée par les sous-seings; ce ne sont pas seulement des correspondances administratives qu’on lui remet, ce sont des colis de toute sorte, des écharpes municipales, des pains de munition. La gendarmerie a été plus loin : sous le cachet de sa franchise, elle a expédié des bottes à l’écuyère, et elle a même trouvé fort mauvais qu’on se soit permis de lui soumettre quelques observations. Cet abus, qu’il devrait suffire de signaler pour qu’on s’empressât de le faire disparaître, durera-t-il longtemps encore en France? Je ne le pense pas. C’est l’Angleterre qui a ouvert la voie de la réforme postale, c’est elle aussi qui nous apprend ce que nous avons à faire en présence de ce droit exorbitant. Dans le royaume-uni, la correspondance administrative est frappée de la taxe ordinaire; la reine elle-même n’y échappe point, et ses lettres sont tarifées comme celles du plus humble de ses sujets. Comme les lettres nécessitées par le service public ne doivent pas toutefois être une charge particulière pour les fonctionnaires, le parlement vote chaque année une somme consacrée à l’affranchissement des correspondances de chaque département ministériel; le contrôle parlementaire exerce naturellement sur cet objet une surveillance légitime, il empêche les abus de se produire et n’accable pas les postes sous un fardeau qui chaque jour devient plus pesant. Dans l’état actuel des choses, le sous-seing en France est une cause perpétuelle de difficultés pour le service des lettres et de pertes sérieuses pour le trésor public. Il est certain qu’une réforme radicale mécontenterait beau-